Elle
écrit des livres où les femmes s’appellent elles et les hommes ils.
Parfois c’est elle et ils, ou même elles et il. Il lit
les livres qu’elle écrit et voit qu’on peut écrire de la poésie sans
les mots de la poésie, qu’il y a plus de poésie peut-être dans la
poésie sans les mots de la poésie, et qu’on parle aussi bien
ou même mieux de l’amour sans dire l’amour.
Souvent comme ici il n’y a même pas les vers de la poésie.
Cette
fois il y a juste elles ou elle et ils ou il et ils veulent d’elle ou
d’elles quelque chose qu’ils n’auront pas, qu’ils
n’auront pas même quand ils l’auront, ou qu’ils auront sans savoir
qu’ils l’ont. Il y a tant de côtés cachés. Elles ne comprennent pas ce
qu’ils veulent, comprennent-ils eux-mêmes ce qu’ils
veulent ? On ne sait pas vraiment ce qu’ils pensent encore moins ce
qu’elles pensent alors ne parlons pas de ce qu’elles ou ils comprennent.
En tout cas ils veulent quelque chose et elles
aussi sûrement et on a peur qu’ils lui fassent mal qu’il lui fasse
mal à faire comme si elle n’était pas elle, pourquoi aussi se
laisse-t-elle faire comme si elle n’était pas elle.
Il y a tant de côtés cachés.
Il voudrait juste que tout le monde lise les livres qu’elle écrit, il ne sait pas bien comment s’y prendre.
Le monde par exemple pourrait commencer par explorer les côtés cachés de Pascale Petit ; c’est en sortant de cette
lecture qu’il a eu envie d’écrire ça.
Il se dit aussi qu’il aurait peut-être tout aussi bien pu donner à lire un passage de ce qu’il vient de lire :
Il
arrive que tout à fait exceptionnellement quelques-uns réussissent sans
difficulté à en faire entrer une complètement dans la
malle. La première tentative, parfois, suffit, et les voilà qui
portent tous bien haut la malle au bout de leurs bras, en poussant des
cris de joie.
Très vite, cependant, leur insatisfaction naturelle semble reprendre le dessus : à peine est-elle entrée dans la malle
qu’ils veulent déjà la faire ressortir. Pour la faire entrer à nouveau ?
Quelle qu’en soit la raison – ne change rien. Elle, ne veut plus sortir et pour gagner sans doute un peu de temps, elle leur
jette des choses qu’ils observent minutieusement ou des choses encombrantes qu’ils ont du mal à déplacer.
Ils
essaient en réalité peu de choses pour la faire sortir : ils pensent en
leur for intérieur que forcément, elle finira
par vouloir sortir d’elle-même (et certains ont alors très peur
qu’une fois dehors, elle ne veuille plus rentrer et que même si elle
veut bien tout de même rentrer, elle ne veuille plus encore
sortir).
Ils
ont l’idée de susciter sa curiosité pour l’inciter à sortir et
emportent la malle un peu partout avec des cris d’étonnement,
mais c’est tout juste si elle soulève un peu le couvercle pour voir
où elle est : elle voit qu’ils ont mis leurs plus beaux habits et qu’ils
lui indiquent quelque chose d’éloigné.
Ils l’emmènent en fait chaque fois près d’un étang différent où rien ne bouge et ils attendent pendant des heures en imaginant
que peut-être, elle va sortir en ayant doublé de longueur.
Ils se questionnent du regard, puis dissimulent leur regard.
Pascale Petit, les côtés cachés, p. 31-32., Action Poétique éditions, 2011, Collection Biennale des Poètes en Val-de-Marne.
Commentaire n°3 posté par Moons le 15/02/2011 à 22h48
(En effet !)
Commentaire n°5 posté par Depluloin le 16/02/2011 à 12h34