Si 2009 fut l’année de son automne, 2011 restera l’année de son auteur : à quelques jours d’intervalle, du même – car
assurément c’est bien le même – du même disais-je Didier da Silva paraissent Une petite forme (avec François Matton) et l’Automne zéro neuf,
son
troisième et son quatrième livre, ou son quatrième et son troisième,
on ne sait plus trop, le temps a de ces caprices. Le temps aussi
d’ailleurs, appréciez la transition, car du temps qu’il fait
il est beaucoup, il est presque surtout question, dans l’Automne zéro neuf ; les lecteurs des blogs jumeaux de l’auteur – Les
idées heureuses et Halte là,
Didier de plus en plus fait tout par deux, s’en rend-il compte ? – ne
seront pas surpris :
c’est souvent qu’on l’y devine le nez en l’air. C’est présenté sous
la forme d’un journal, pour la première fois à la première personne ;
plus d’Hoffmann ou de Sam
pour prêter sa silhouette au
protagoniste ; pourtant c’est bien le même, c’est bien la même vie
qui voudrait n’être qu’une promenade et n’y parvient pas toujours –
c’est drôle – mais y parvient presque – c’est
beau ; c’est bien le même regard qui s’attache à ce qui du spectacle
du monde aurait tôt fait de nous échapper, ne voit pas pour autant la
mort qui se joue à quelques mètres, il faut dire
que souvent les yeux sont levés vers le ciel, quel spectacle, les
caprices de la météo sont un beau reflet des mouvements de l’âme sans
les grands mots que l’auteur, justement, n’y met pas ;
jugez plutôt :
Angèle est petite, brune, assez jolie. Nous nous quittâmes, elle consolée, moi déprimé. À force de les fixer – le sans
fil est juste à côté, enfin, surtout son socle, mais je ne m’en
étais, old school, pas éloigné –, je n’ignorais plus rien des moulures
de la porte d’entrée. Que j’ai ouverte. L’air était
tiède, à tout le moins moins froid que je ne pensais. Le silence de
la maison après ces deux grandes heures de bavardage ayant je ne sais
quoi d’hostile, d’accusateur et de mesquin, j’ai attrapé
ma veste et je suis sorti. Ce que j’avais pu dire comme conneries !
Puisque le carillon de l’église du village sonnait, je me suis dirigé
vers lui, vers elle, vers lui. Par le bas. Il n’y
avait pas un chat, mais un écureuil, derrière un grillage, qui me
regarda (je le regardais). Qu’il me fuît, soudain, je le comprenais.
J’appelai à moi de sombres pensées. Elles accoururent. Les
arbres bruissaient. J’ai pu marcher un long moment au beau milieu de
la grand-route, l’austère théorie des platanes suggérant moins, alors,
l’infini que l’éternité ; or une publicité pour un
supermarché entrouvrait au contraire, sur un panneau Decaux, à
l’orée du village, une très étroite fenêtre temporelle – jusqu’au 8 novembre, Chrysanthèmes pomponettes de cinquante centimètres
à cinq euros quatre-vingtquinze le pot (il n’y avait pas une minute à perdre).
Didier da Silva, L’Automne Zéro Neuf, LaureLi Léo Scheer, 2011, p. 46-47.
Commentaires
suis dedans, et comme prévu j'aime
Commentaire n°1
posté par
brigitte Celerier
le 10/02/2011 à 20h53
Régalez-vous. Je crois que je l'ai encore préféré aux deux précédents (sans compter Une petite forme).
Réponse de
PhA
le 12/02/2011 à 11h16
"les arbres bruissaient" et le ciel et le corps du marcheur, aussi.
Commentaire n°2
posté par
Gilbert Pinna
le 11/02/2011 à 14h43
Tout à fait : le corps du narrateur de cet Automne zéro neuf connaît aussi quelques caprices que ne renierait pas la météo.
Réponse de
PhA
le 12/02/2011 à 11h48
Bon... je crois avoir à peu près tout ce qu'il me faut pour mon prochain billet! J'ai failli attendre, Philippe!:)
Commentaire n°3
posté par
Depluloin
le 12/02/2011 à 12h25
Trop facile ! Il faut dire tout le contraire et que ce soit vrai aussi - comme le beau temps après la pluie.
Réponse de
PhA
le 12/02/2011 à 22h27