lundi 29 septembre 2025

Le Contrat, par Franquin et Kafka, épisode 81

Quand il revint chez Brunnen, Messerschmied comprit tout de suite qu’il avait mal choisi son heure : il fut informé par un quidam au visage familier que Monsieur Schlehe n’avait pas encore fini de déjeuner mais que, si Messerschmied le souhaitait, il pouvait l’attendre ; Monsieur Schlehe en effet serait certainement là dans moins de cinq minutes, Messerschmied pouvait en profiter pour prendre un café, on était justement sur le point d’en faire. Après tout pourquoi pas ? Messerschmied s’assit et accepta le café, lequel d’ailleurs n’était pas mauvais. Il était impatient de signer enfin le contrat, et Monsieur Schlehe qui n’arrivait pas ! En réalité il se passa en effet moins de cinq minutes avant que celui-ci n’arrive, mais Messerschmied était sur les nerfs ; il fallait signer ce contrat, il le fallait d’urgence, avant qu’il ne soit trop tard, qu’avaient-ils attendu pour le faire plus tôt ? Cela faisait tant d’années, semblait-il à Messerschmied, qu’il était question de ce contrat. Monsieur Schlehe de son côté se pressait autant qu’il le pouvait pour satisfaire Messerschmied ; il sortit un exemplaire du contrat d’un tiroir de son bureau tandis que Messerschmied, pour ne pas perdre davantage de temps, sortait son stylo de sa serviette ; Monsieur Schlehe tendit le contrat à Messerschmied qui le lui arracha presque des mains et entreprit de le parapher ; ne pas oublier la mention « lu et approuvé » ; à peine Messerschmied avait-il entamé en tremblant la boucle du l que sa plume s’écrasa sur le papier, lequel s’étoila d’une tache semblable à une tache de sang, noire comme l’avenir tel qu’il apparaissait désormais à Messerschmied.

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