Messerschmied, une fois de plus, avait rencontré Monsieur Schlehe dans la rue. Ainsi semblait en avoir décidé le destin. Il fallait donc que ce contrat soit signé. Bien sûr qu’il le fallait ! N’étaient-ce pas les appréhensions de Messerschmied qui étaient cause de ce perpétuel report, d’une chose aussi simple, aussi banale que la signature d’un contrat ? Plus que la proximité des bureaux de Brunnen, c’est le sentiment de sa propre responsabilité qui poussa Messerschmied à suivre Monsieur Schlehe, malgré l’heure tardive. Il faisait nuit en effet, tout à fait nuit lorsqu’ils arrivèrent chez Brunnen. Et comme un fait exprès, alors que Messerschmied était en train de relire le contrat, la lumière s’éteignit. L’angoisse aussitôt le saisit ; ça ne pouvait pas être un hasard ! Et pourtant, l’assura Monsieur Schlehe, c’était une panne de secteur ; Messerschmied en effet put constater en regardant par la fenêtre que toutes les lumières du quartier étaient éteintes. C’est alors qu’un employé de Brunnen, dont la présence avait tout d’abord contrarié aussi bien Messerschmied que Monsieur Schlehe – il n’avait rien à faire dans ces bureaux à cette heure –, déclara qu’il avait une vieille lampe à pétrole qui pourrait les dépanner. En effet il revint bientôt, l’objet à la main, le déposa sur le bureau et entreprit de l’allumer. La lampe diffusa d’abord une lumière blafarde mais suffisante pour lire, et Messerschmied commençait à s’en réjouir comme de la lueur qu’on aperçoit au bout du tunnel, quand il se rendit compte que cette lumière elle-même diffusait comme une sorte de noirceur, une noirceur qui recouvrait tout, une noirceur qui non seulement l’empêchait peu à peu de voir quoi que ce soit, mais qui ne saurait se dissiper même quand le courant électrique reviendrait, qui ne saurait se dissiper même quand il serait temps pour le jour de se lever de nouveau.
721
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire