On m'écrit : « J'aime ce passage. » Alors, tiens,
puisque je l'aime aussi, je le recopie. C'est dans Mémoires des
failles, paru il y a juste deux ans aux éditions de l'Attente.
Premier album, septième
pellicule : figures.
Rien d’étonnant dès
lors dans la tentation, récurrente à cette époque, de se couper du
reste du monde. Ce n’est pas difficile. Il suffit de fermer les
yeux. De les fermer très fort. Ça ne les empêche pas de voir, oh
non, loin de là. Mais au moins, on sait à l’avance, à peu de
choses près, ce qu’on va voir : le spectacle est toujours le
même.
C’est un spectacle
abstrait. Il commence doré et soyeux, en perpétuel et total
mouvement, décomposable à l’infini en de multiples échanges
d’infimes allers et de retours symétriques, organisé autour d’un
centre en couronne pseudo-circulaire aplatie horizontalement, plus
foncé dans sa périphérie indécise et presque angora, plus
lumineux à l’intérieur, avec sans doute, au centre du centre, un
point de fuite tel un point de chute, aussi bien noir qu’éclatant,
principe essentiel autour duquel le reste s’organise. Mais bien
avant d’en avoir pris une telle conscience c’est, sur la même
structure concentrique, une tonalité tout autre qui brusquement et
sournoisement se révèle, des motifs quasi algébriques, crépitant
de blancheurs à angles droits, sur des fonds de couleurs primaires,
rouges dans les parties intermédiaires, jaune éclatant au milieu,
bleu ou vert sombre et froids aux bordures à peine perceptibles.
C’est d’autant moins plaisant, moins chatoyant que l’on
commence à percevoir un mouvement essentiel dont on comprend qu’il
a toujours été là, et dont seule la somptueuse richesse des
débuts a empêché la prise de conscience ; une lueur
autoritaire sous-jacente au centre du panorama, qui agite
régulièrement, avec une vivacité difficilement supportable, des
membres indéfinis et venteux de mécanique intérieure, balayant les
restes dépréciés d’une algèbre éparse, se manifestant de plus
en plus clairement comme une menace telle qu’il devient impossible
de rien voir d’autre, de sorte qu’on ne peut poursuivre.
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