« Sont
indociles pour moi des artistes qui interrogent la forme, la
réinventent. Peuvent requérir une participation active
de la part du lecteur. Qui ne se lovent pas dans la facilité de la
mode. Qui n’hésitent pas à déjouer les notions de genres, de frontières.
Qui sont mus par la nécessité. »
Ces quelques mots d’un livre que je n’ai pas encore lu mais qui déjà me parlent. Je les lis dans l’introduction à Indociles, l’essai que Laure Limongi
consacre à quatre auteurs qui pourraient être quarante ou quatre cents
peut-être, on ne sait pas – mais ce que je
sais c’est que parmi ces quatre-là il y en a deux (il y en a
seulement deux car je ne suis qu’un petit lecteur) qui pour moi comptent
déjà : B.S. Johnson et merci à Pascal Arnaud, Hélène
Bessette et merci à Pascale Petit. (Je me dis comme ça
que dans cette belle histoire intime et singulière qu’est la lecture
chaque livre a son passeur, dont on devrait retenir le
nom. Pour Denis Roche et Kathy Acker
dans la mienne, ce sera sans doute Laure Limongi.)
C’est
aussi qu’hier soir j’étais à la soirée que la librairie le Comptoir des
Mots organisait à l’occasion de cette parution,
consacrée à des auteurs trop peu connus du public, déjà disparus
pour trois d’entre eux, méconnus à cause d’un durable malentendu selon
lequel le simple fait de ne pas se conformer docilement à
des modèles préexistants suffit à vous faire étiqueter d’avant-garde
(mais de quelle armée et pour quelle bataille, le saura-t-on un jour ?)
et illisible voire au mieux réservé à quelques
intellectuels overlettrés – quand on n’attend rien d’autre du
lecteur qu’il accepte de temps en temps de se promener sur des chemins
simplement moins balisés que ceux dont il a l’habitude, parce
que c’est là sans doute que se joue l’aventure, loin des valeurs
supposées sûres et des considérations strictement marchandes qui
président aux éphémères succès d’aujourd’hui.
(Commentaire bref mais intériorité intense:)).