Eric Chevillard vient de publier un nouveau livre : L’Auteur et moi.
Plus précisément : Eric Chevillard est l’auteur de l’Auteur et moi et moi je suis le lecteur.
En outre, si l’on y regarde de près, il y a un auteur dans l’Auteur et moi et l’auteur de l’Auteur et moi est
l’auteur d’une partie de l’Auteur et moi, donc on peut supposer que cet auteur est une partie d’Eric Chevillard.
Cependant Eric Chevillard est tout entier dans l’Auteur et moi, moi qui l’ai déjà beaucoup lu j’ai bien regardé il m’a
bien semblé qu’il ne manquait rien de lui – pas même moi.
Mais moi bien sûr même si je suis auteur je ne suis pas Eric Chevillard ni même à sa hauteur, d’autant plus depuis qu’il est
l’auteur de l’Auteur et moi et non de l’Auteur est moi même si l’auteur c’est lui.
Oui vous avez bien compris que l’auteur de l’Auteur et moi est aussi un personnage de l’Auteur et moi
puisqu’il est question de l’auteur dans l’Auteur et moi.
Et de moi aussi, qui bien sûr n’est pas moi mais dont on ne peut pas affirmer en toute certitude que c’est lui.
Car moi aussi est un personnage qui n’est pas nécessairement l’Auteur sinon le livre évidemment se serait
intitulé l’Auteur est moi et non l’Auteur et moi ; moi donc n’est pas nécessairement l’Auteur mais peut-être quand même après tout l’auteur. Eric
Chevillard. Ou pas.
Oui : vous avez compris qu’on ne ressort pas indemne de la lecture de l’Auteur et moi. Me voici à l’évidence tout
à fait incapable de rendre justice à l’Auteur et moi ni à
son auteur tant cette lecture m’a remué, retourné, tourné la cervelle en
chou-fleur – comme si sa forme ne suffisait pas sa
consistance de béchamel aussi l’y prédisposait. Car l’auteur, l’Auteur et moi
et moi avons sans doute une sensibilité commune, que nous préférons
figurer par notre aversion pareillement
commune pour le gratin de chou-fleur, que je mange pourtant moi
aussi par politesse, nos mamans nous ont bien éduqués, mais dont jamais
pourtant malgré tout ce que je pense de la grumeleuse question du sujet
je n’ai osé faire le sujet de tout un livre. Tant pis pour moi, Eric
Chevillard l’a
fait, il ne me reste plus que les endives, voilà ce que c’est de
traînasser dans la queue à la cantine. Des endives dont je ne pourrai
quasi rien faire, il n’y a plus de béchamel et rien pour les
gratiner, Eric Chevillard est passé avant. Voilà pourquoi je
n’écrirai jamais ce livre sur le gratin d’endives que tout le monde
attendait ardemment depuis des lustres. Vous connaissez le
coupable. Lisez-le.
Les avis gourmands de quelques autre convives, par le parfum de la truite aux amandes alléchés : Claro, François Bon et Pierre Jourde.
Si les années m'ont appris quelque chose, c'est que tout acte créateur, toute création, se doivent d'être généreux. Et je ne crois pas qu'il y ait de la générosité à ne satisfaire que la construction intellectuelle d'un texte, en l'occurrence. Certes, Chevillard sait produire un creux mais il me semble qu'il s'agit d'un creux dans l'acte même de lire, et non celui q'on pourrait qualifier d'existentiel. Car je soutiens que Beckett (oui!) "possédait" son sujet, que sujet il y avait, et que sa générosité, immense, le poussait à satisfaire le lecteur.
Bon, ce commentaire improvisé n'est-ce pas...
(PLuplu! au coin! non mais!)
(Pouvez-vous rectifier Philippe?)
La litérature se penche régulièrement sur elle-même : le stade du miroir se doit d'être "polishé" à maintes reprises et reprend alors son éclat.
Mais je vous retourne le mot et j'ai hâte de lire votre prochain ouvrage.