Hier a été une heureuse journée. Au réveil, cette bonne surprise sur Lignes de fuite, et tous ces toasts qui font chaud au cœur. Et juste avant de se coucher, une autre
belle surprise encore !
Entre les deux, promenade à Paris (oui, le livre est là, sur les rayons, les présentoirs ; ce n’est pas un rêve – parfois
j’ai peur de confondre), promenade sous le ciel bleu ; en amoureux
comme on
dit – mais oui, n’ayons pas (trop) peur des mots. Et le soir,
écouter pour la première fois celui qui s’en joue si bien – des mots : Raymond Federman.
Ecouter la voix de Federman, c’est un grand bonheur. Grand bonheur de reconnaître, incarnée par un
corps enfin visible, la voix qu’on connaissait seulement par ses
livres. (La voix, c’est important. J’aime la voix, les voix, même dans
l’apparent silence des
pages. Federman en parle, de la voix ; c’est important pour lui
aussi. Elle est dans le titre d’un des livres que je n’ai pas encore osé
lire : la voix dans le débarras.)
(Le corps aussi, c’est important. Federman en parle aussi, hier soir,
et aussi dans ses livres ; il y en a même un qui lui est
consacré : Mon corps en neuf
parties. Et ça fait plaisir de voir si jeune celui de
l’auteur, à quatre-vingts ans, malgré la vie que l’on sait ; il a raison
de l’aimer, c’est un bon compagnon.)
Raymond Federman, il y a longtemps que je connais ce nom. C’était au temps (lointain) de ma maîtrise sur Beckett (c’était sur L’Innommable). Je me rappelle le titre d’un article, dans les
Cahiers de l’Herne, qui prend plus de sens aujourd’hui, après avoir lu Retour au fumier, par exemple : le paradoxe du
menteur. Raymond Federman, pour moi, c’était juste un universitaire américain spécialiste de Beckett – ce qu’il est aussi. Seulement aussi.
Parce que la visibilité est mauvaise. Parce qu’il aura fallu
trente-cinq ans pour que la France le lise aussi. Et aussi, ensuite,
cette étiquette
d’« avant-garde » qu’on lui colle. Avant-garde,
je ne sais pas bien ce que c’est – même s’il y a beaucoup d’auteurs que
j’aime et qui la
portent plus ou moins (sans que le fait que je les aime ait un
rapport). Je ne dois pas être assez belliciste pour comprendre ce mot
que je n’aime pas. Ce que je sens d’évidence, c’est que, en
plus de cette vie, de cette liberté, de cet humour ; en plus de la
tragédie du propos ; il y a quelque chose de très juste, de très
honnête, dans l’écriture de Federman ; même
quand il raconte des bobards (qu’il avoue, d’ailleurs). Sûrement à
cause d’une mise en doute du langage – d’où cette attention revendiquée,
héritée de Beckett, à la forme, plus qu’au sens. D’où
le récit récurrent d’une seule histoire, la sienne – dont il dit
lui-même que, si terrible soit-elle, elle n’est pas exceptionnelle.
Me promenant tout en écrivant, je vois que Poézibao
rend compte de la soirée, d’une façon bien plus fidèle que je ne
saurais le faire. C’est
l’occasion de les en remercier ainsi que, pour ce beau moment,
l’éditrice Catherine Flohic, organisatrice de cette soirée à l’occasion
de la parution de Federman hors limites, conversation
par mails avec Marie Delvigne, dans la collection les Singuliers
(qui collectionne en effet les plus grands) (il faut d’ailleurs découvrir Argol, belle maison toute vêtue de noir), Bénédicte Gorrillot qui
interrogeait les deux auteurs, Alexander Dickow
qui m’a bien fait rire (j’ai oublié de parler du rire de Federman, ce
sera pour une autre fois),
Christian Prigent dont la lecture donne vraiment à entendre le texte
(même à ceux qui, comme moi, ont beaucoup de mal à écouter un texte
lu ; belle performance), et l’auteur lui-même, tel
qu’en ses livres vraiment.
PS : Raymond Federman sera ce soir à 19h30 aux Revues Parlées :
lecture performance avec François Jeanneau (saxophoniste) & lecture
d’extraits de Chut. Centre
Pompidou, place Georges Pompidou (rue Saint-Martin), Paris. L’info est chez Laure Limongi.
C'est un rêve ou n cauchemar?
Bonne nuit
Mari-e-