samedi 3 mai 2025

Souvenirs de mon père, 38 (Paris, 1941 ? 42 ?)

Comme tu voulais apprendre à fond, tu t’es aussi inscrit au Conservatoire National des Arts et métiers, ce qui t’a permis de te montrer brillant pendant les cours que tu recevais au centre. Il y avait même un professeur qui, parfois, te disait : « Annocque, allez leur expliquer. »

Un jour, on vous a proposé de travailler. La société Ericsson devait installer des téléphones pour les Allemands de l’organisation Todt (chargée de la mise en place du Mur de l’Atlantique). Tu t’es retrouvé responsable d’un groupe chargé des installations au cinéma Marignan. C’était ton premier salaire, jusque là vous viviez uniquement des allocations pour les réfugiés. Comme vous travailliez pour les Allemands, vous essayiez de saboter le travail. Quand vous vous sentiez fatigués, vous vous enfermiez pour dormir. Quand vous aviez des trous à percer, vous vous arrangiez de manière à ce que ça éclate de l’autre côté du mur, afin de prendre plus de temps pour reboucher le trou.

Un jour, tu devais travailler dans le bureau d’un jeune officier allemand. Tu as essayé de lui expliquer péniblement, par gestes, qu’il fallait qu’il sorte pour te laisser travailler. Il t’a répondu : « Te casse pas la tête, mon pote ; j’ai pigé. Tu veux que je déménage de ma carrée. » Après, vous avez fait très attention à ne pas trop vous moquer des Allemands derrière leur dos.

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