Juste se souvenir d’une phrase
Sur l’autre rive du fleuve on entendait les singes rouges.
Il pourrait mettre des guillemets à cette phrase car elle n’est pas de lui.
Il ne se rappelle plus quand elle l’a prononcée. Il se dit qu’il a dû l’entendre plusieurs fois. Elle s’est détachée de tout contexte, elle est devenue un objet qui tient tout seul par sa propre force de gravité. Et dont la trajectoire à présent traverse sa page d’écriture.
Sur l’autre rive du fleuve on entendait les singes rouges.
C’est l’histoire d’une traversée.
Ce n’est pas l’histoire de la traversée du fleuve. Le fleuve, ce fleuve-là, n’a jamais été traversé.
Les singes rouges, à ce qu’il en sait, sont restés des cris, des chants, dans la mémoire.
Les cris des singes rouges, qui traversaient le fleuve, ont traversé le temps. Ils ont aussi traversé l’océan. Voilà, c’est pourquoi il a écrit cette phrase inaugurale.
Il ne connaît pas le nom du fleuve. Elle dit juste : « le fleuve ».
Maintenant il peut chercher son nom. C’est devenu facile, de chercher. Il n’a même pas besoin de bouger de sa chaise.
Mais elle ne dit pas le nom du fleuve, elle dit juste : « le fleuve ». Alors il cherchera, bien sûr, mais un peu plus tard. Là il va juste se contenter avec ça :
Sur l’autre rive du fleuve, on entendait les singes rouges.
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