mercredi 16 mars 2022

recommandation protocolaire

Stéphane Vanderhaeghe vient de faire paraître son troisième roman chez Quidam. De l’extérieur, il est très gros et très rouge ; il peut impressionner un peu. Il ne faut pas : c’est un roman à la fois très ambitieux et très prenant ; c’est lui qui m’a retenu ces dernières semaines. Il est aussi très différent des deux précédents (qui déjà ne se ressemblaient pas entre eux) du même auteur, rien que par le nombre de personnages : tendant vers un seul dans Charognards, peut-être aucun vraiment dans À tous les airs, ils sont assurément très nombreux dans P.R.O.T.O.C.O.L. Stéphane Vanderhaeghe promène son lecteur d’un personnage à l’autre, prend soin de préciser à chaque fois l’identité de celui-ci pour le lecteur qui aurait peur de se perdre mais qui s’y perdra tout de même, et joliment, car c’est vers sa perte que court ce monde, lequel malgré la tentation dystopique ressemble furieusement à celui dans lequel nous vivons. L’épaisseur du roman laisse le temps au lecteur de s’attacher aux personnages, même pour ceux qui ne sont a priori pas si attachants, car l’auteur les fait vivre, et notamment au moyen du langage : le point de vue interne de chacun, dans lequel il nous plonge, s’exprime à travers une langue renouvelée avec chacun des personnages. Si je m’abstiens de parler de l’intrigue, c’est que, non seulement P.R.O.T.O.C.O.L. est un roman politique, mais c’est aussi un roman à suspense. Le lecteur est invité à deviner progressivement, au gré du croisement des intrigues, ce qu’il est advenu de tel ou tel, sous un régime politique que l’on pourrait qualifier de dictature gommée : on ne peut pas officiellement dire que l’on est en dictature, et pourtant… Et pendant ce temps, sur les murs de la cité en principe désertée après 22h, couvre-feu oblige (l’idée en est apparue durant la composition du roman avant 2020, nous a confirmé l’auteur ; la fiction parfois rattrape la réalité), tranchant parmi les graffitis gentiment subversifs de jeunes artistes révolutionnaires, en apparaît discrètement un autre, différent, mystérieux et de plus en plus présent : « P.R.O.T.O.C.O.L. ».




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