Éric Chevillard a passé sa nuit au musée : dans la Grande Galerie de l’évolution du Muséum d’histoire naturelle. Tout laisse à croire que notre homme aurait survécu. On a retrouvé des traces (écrites) de son passage :
« Certains taxidermistes appellent âme le mannequin, de bois jadis, plus souvent de résine aujourd’hui, sur lequel est tendue la peau de l’animal.
Parmi les cinquante-quatre types de rembourrage différents privilégiés au cours des siècles, selon la région, selon la saison et l’imagination de l’empailleur – jamais trop porté sur la paille, en réalité, ni même pour remplir la panse de l’herbivore –, il y eut donc le papier, cette belle âme immaculée si souvent noircie de fautes impardonnables.
On suppose que parfois le taxidermiste, qui est comme tout le monde, qui n’a pas toujours envie de tendre trop loin le bras, fourrait dans sa peau ce qui lui tombait sous la main, une sacoche, une besace, une escarcelle.
Tu peux y enfouir ton trésor, ou vider dedans ta poubelle.
Dans la dépouille de l’ours, ensevelir le corps sans vie de ton ennemi.
Coudre ton hurlement dans le loup, ta peur dans le suricate, ton rire dans le singe.
Ton chant dans le rossignol, ton obstination dans la vieille mule.
Et ta paresse dans le paresseux si toutefois tu disposes d’un jeune assistant zélé pour le faire à ta place.
Laisser en somme le bel animal parler pour toi, armer de tes mots sa peau flasque, lui remettre ton âme.
Tout livre n’est-il pas une bonne farce ? »
Assurément – encore pour l’apprécier faut-il en ressortir vivant ; l’empaillage du lecteur n’est pas loin.
L’Arche Titanic est paru récemment dans la collection Ma nuit au musée des éditions Stock.
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