lundi 18 novembre 2019

Écrase ma prune sur ton genou


– Écrase ma prune sur ton genou que son noyau au grand jour paraisse, que mon jus à ton poil se lie.
– Sois si près de mon œil des deux yeux fondus, prends la plus longue lèvre, trouve ce que la gousse cache de grains, dis-m’en le nombre.
– Garde mon sein dans ta main, suce l’autre dans ta bouche, tiens les deux, lèves-en un, suce l’autre.
– Fends ma figue du tranchant de ta main que la partie gauche de la droite s’écarte, que dans l’écart l’ergot darde.
– Sois en moi, passe l’os, dis bonjour à ma pondeuse, dis coucou à mon œuf, il se cassera demain.
– Ramone ma moelle jusqu’à la tête, porte en avant puis en arrière pour mieux avancer comme fait la grande balançoire.
– A califourchon j’irai plus vite, demain sur ton genou poilu, cheval, à cheval sur ton dos et mes lèvres à la pointe de tes vertèbres, j’irai plus vite.

Gruche copule avec Matelin et cela fait de nombreux Gruche-Matelin dont une branche donne des académiciens et des régisseurs et une autre des coquins et des maquerelles à profusion, certains muets ou sourds et d’autres aphasiques ou apraxiques. Mignon se lie avec Uranie, une Uranie-Mignon est alpiniste dans les massifs rocheux de Ligurie. Une Flambonne-Ivry eut quinze fois en vingt ans douzaine de garçons qui forment à présent des bandes de cambrioleurs-violeurs portant son nom de jeune fille et sévissant en Russie dans la province de Krasnoïark…

et les familles s’organisent, le père parle au chien…

– Merde puante, insiste-t-il sur chaque consonne, donne-moi donc ton glaive, frère humain, merde puante, donne-moi donc ton glaive, que je tranche de ma dextre la tête du serpent, donne-moi mes cisailles, frère humain, qu’enfin je me sépare de ses œufs et que la douleur m’envoie au ciel comme pétard d’artifice. Ah, malheureux que je suis ! Les potiers ne font plus de ces grands canthares, mais de petits et de bien polis, comme si c’était le vase et non le vin qu’on dut avaler.

Eugène Savitzkaya, Ode au paillasson, « Peuples périssables », éditions Le Cadran ligné, 2019.



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