Enfin une critique
franchement négative ! (C'est ici, cliquez donc.) Je la lis
avec intérêt et ne suis pas loin de partager l'avis de son auteur
sur ce qui est raconté dans Seule la nuit tombe dans ses bras (je
parle du contenu, pas du roman). En revanche il est probable
que nous n'avons la même conception de la littérature :
« notre simple réflexe de lecteur candide consiste à chercher
le plaisir là où, naturellement, le roman les dispense, à travers
une histoire attrayante et des personnages consistants, auxquels on a
la faiblesse de s’attacher ». J'avoue que mon simple réflexe
de lecteur, car j'en suis un aussi, consiste à chercher le plaisir
partout ailleurs que « là où naturellement le roman les
dispense ». J'ai du mal à croire à des personnages qui
existeraient au-delà de leur inconsistance ; et c'est leur
inconsistance même que je creuse quand j'écris. (Flaubert oui,
Balzac non, si vous voulez). Quant à raconter une histoire
attrayante, le ciel m'en préserve : la vie ne l'est pas et je
me prends pour Dieu.
Ce qui m'intéresse
surtout, en fait, en lisant ce billet, c'est la question de l'horizon
d'attente. La littérature serait supposée être ceci, ou cela.
Comme nous, quoi. Nous aussi, nous vivons dans l'éternelle
injonction à être ceci ou cela. Difficile dans la vie de faire
autrement, mais au moins dans l'écriture prenons le risque de rester
sourds aux injonctions. Dans une première version de Seule la
nuit, le récit lui-même était mal écrit, par souci de
cohérence avec le sujet. J'ai eu la faiblesse, ou la sagesse, c'est
pareil, de corriger ça un peu parce que même pour moi ça devenait
illisible – c'est pour ça aussi qu'il me fallait un narrateur
écrivain. Mais pour les échanges eux-mêmes, la pauvreté de leur
écriture est un hommage à celle de nos propres échanges, à nous
tous, dès lors que nous écrivons sur une messagerie numérique.
Cette pauvreté, et celle des moyens déployés par Coline et Herbert
pour faire durer un peu leur histoire, peut-être est-ce elle qui,
regardée hors de tout jugement moral, peut avoir quelque chose
d'émouvant, dans leur caractère dérisoire même. « Rien de
ce qui crée la dépendance virtuelle, née d’un fantasme, ne nous
sera épargné. » Bon, je n'ai pas tout raté alors.
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