Il y a dix ans quasi jour
pour jour paraissait Liquide. Les éphémères éditions
Melville venaient de disparaître, heureusement en roulant sur la
Nationale 10 j'avais découvert Quidam, grâce à l'Ami Butler
de Jérôme Lafargue et aux mardis littéraires de Pascale Casanova ;
j'ai déjà raconté ça. Mais c'est important pour moi parce que Quidam,
depuis, a cru en mon travail ; cinq autres titres y sont parus.
Le livre a reçu un bel accueil critique, et m'a valu quelques
amitiés qui durent encore.
Je travaillais sur la
personne. Et plus que jamais, j'avais le sentiment que la personne,
c'était personne. Alors j'avais tenté, sans savoir si c'était
possible, d'aller jusqu'au bout de ma tendance naturelle à
l'effacement de la personne : j'ai écrit ce roman à la
personne zéro. J'ai installé le lecteur, comme je fais presque
toujours, dans la tête du protagoniste ; mais cette fois
jamais, je ne l'ai désigné par la 1ère personne, ni par la
deuxième, ni par la troisième, le protagoniste. Je l'ai dessiné en
creux. Parce que le monde, ou plutôt parce que ce que l'on prend
pour le monde et qui n'est que, disons, la société, nous efface.
« Liquide est celui qui ne s'est jamais vu rien faire d'autre
que de bien remplir comme des récipients les rôles successifs
imposés par la vie », ai-je écrit en quatrième de
couverture. Liquide est devenu aussi l'autre contrainte de ce livre
écrit sous contraintes, comme on vit sous contraintes. Et
l'inévitable titre.
La personne zéro, le
concept est peu décrit en linguistique ; il échappe. Merci au
regretté Michel Arrivé, grand professeur de linguistique à
Nanterre, d'avoir été le premier, je crois bien, à noter dans sa
lecture cet effacement de la personne. Ce n'était pas écrit pour
être vu, mais ça fait plaisir à l'auteur, quand c'est bien vu.
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