mercredi 10 avril 2019

dix ans liquides


Il y a dix ans quasi jour pour jour paraissait Liquide. Les éphémères éditions Melville venaient de disparaître, heureusement en roulant sur la Nationale 10 j'avais découvert Quidam, grâce à l'Ami Butler de Jérôme Lafargue et aux mardis littéraires de Pascale Casanova ; j'ai déjà raconté ça. Mais c'est important pour moi parce que Quidam, depuis, a cru en mon travail ; cinq autres titres y sont parus. Le livre a reçu un bel accueil critique, et m'a valu quelques amitiés qui durent encore.
Je travaillais sur la personne. Et plus que jamais, j'avais le sentiment que la personne, c'était personne. Alors j'avais tenté, sans savoir si c'était possible, d'aller jusqu'au bout de ma tendance naturelle à l'effacement de la personne : j'ai écrit ce roman à la personne zéro. J'ai installé le lecteur, comme je fais presque toujours, dans la tête du protagoniste ; mais cette fois jamais, je ne l'ai désigné par la 1ère personne, ni par la deuxième, ni par la troisième, le protagoniste. Je l'ai dessiné en creux. Parce que le monde, ou plutôt parce que ce que l'on prend pour le monde et qui n'est que, disons, la société, nous efface. « Liquide est celui qui ne s'est jamais vu rien faire d'autre que de bien remplir comme des récipients les rôles successifs imposés par la vie », ai-je écrit en quatrième de couverture. Liquide est devenu aussi l'autre contrainte de ce livre écrit sous contraintes, comme on vit sous contraintes. Et l'inévitable titre.
La personne zéro, le concept est peu décrit en linguistique ; il échappe. Merci au regretté Michel Arrivé, grand professeur de linguistique à Nanterre, d'avoir été le premier, je crois bien, à noter dans sa lecture cet effacement de la personne. Ce n'était pas écrit pour être vu, mais ça fait plaisir à l'auteur, quand c'est bien vu.



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