« Il
y a, dit-elle, quelque chose de difficile qui se fait jour. Mes
échanges avec cet homme prennent un tour belliqueux. C'est qu'il est
fait d'un métal dur ou qu'il a besoin de se garder des chocs, je ne
sais pas, en tout cas il faut sans cesse qu'il affirme une
suprématie, qu'il pose de l'implacable. C'est comme si on avait usé
l'été jusqu'à la corde. Dans quel désert a-t-il relégué la
tendresse ? Pourquoi se plaît-il dans ces coupes acérées, ces
coupes sombres qu'il opère et dans cette atmosphère raréfiée ?
Comprenez-moi, je n'aime pas quand l'accès est trop aisé, quand on
me précède sur la route et qu'on m'ouvre grand les chambres et les
paradoxes intimes. Mais j'aime que l'alliage se fasse, fluide,
évident, et qu'il en résulte des étincelles. Or lui, il barre la
route à l'évidence, il semble fait d'un métal pas même rare mais
qui n'existe pas ailleurs sur terre. Je m'élance, il répond et
soudain quelque chose dans sa réponse fait de moi une silhouette
stoppée net. Il m'adresse des mots, en quantité, et de menus
cadeaux mais je ne sais pas où il est ni où il me situe. Je ne sais
pas si je suis une partenaire, une adversaire, une participante, un
jeu ou un enjeu. Suis-je, posée sur sa vie, une plume, volatile,
sans poids et sans nécessité ? J'aimerais parfois que la route
se courbe comme une tige, comme le dos des enfants dont vous vous
occupez.
Que
peut-elle savoir des enfants ? Des enfants de Verre ? »
C'est
un passage que je viens de découper dans On a
brûlé les ruches blanches,
de Bénédicte
Heim,
qui vient de paraître aux éditions Et le bruit de ses talons.
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