La rentrée littéraire,
c'est sûrement l'occasion de parler de l'Eté-machine de John
Crowley, ce roman paru en 1979 et traduit par Rémi Oliska, repris en
2006 par les Moutons électriques et qu'on peut lire aujourd'hui dans
la collection Points. C'est un roman post-apocalyptique et
merveilleux, qu'on lit comme une formule magique. On y suit Roseau
Qui Parle, ce jeune parleur véridique qui veut retrouver les choses
perdues après la grande tempête provoquée par les anges, les
hommes d'autrefois qui volaient dans d'étranges machines. On n'est
jamais sûr de tout comprendre tant l'univers qu'on découvre avec le
narrateur nous est étranger – étranger mais pas nécessairement
hostile comme le veut une certaine tradition du récit apocalyptique.
Il y a au contraire chez tous les personnages, si différents
soient-ils, une sorte de bienveillance qui interroge. Roseau Qui
Parle est le narrateur, animé à la fois par un amour perdu puis
retrouvé puis perdu de nouveau et par une quête qui dépasse et
même met en jeu sa simple personne. Le destinataire n'est pas le
lecteur mais un ange (au sens que ce mot a dans le roman) ;
narrateur et destinataire n'appartenant pas au même monde ont de
séculaires raisons de ne se comprendre que par bribes, et c'est
aussi la situation dans laquelle se retrouve le lecteur. Du coup, la
lecture est très contemplative, et en effet c'est beau. Tiens,
j'ouvre le livre au hasard :
« C'est en tout cas
par un jour rempli d'odeurs et de petites choses pâles qui
éclataient partout dans la forêt qu'avril fit son entrée. Et bien
qu'il ait déjà plu à d'autres reprises, la Liste attendit ce
jour-là pour sortir ses parapluies.
Je les regardai, de
l'autre côté du Mur-Passage, déambuler avec leurs parapluies
ouverts, sur la grande place de pierre. Il y en avait avec des pois,
d'autres avec ou sans baleines ; certains étaient mal ouverts,
d'autres carrément à l'envers. Capuchon était parmi eux, avec un
parapluie plus large que tous les autres et une poignée étrangement
sculptée. Il me sourit comme s'il pouvait me voir aussi bien que je
les voyais. »
Et merci à Hugues Robert de la librairie Charybde de m'avoir mis ce livre entre les mains.
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