Ecrire sur rien est le
meilleur moyen de tout dire. Et le rêve de chacun, depuis le « Ferai
un vers de pur néant » de Guillaume d'Aquitaine jusqu'à
l'« Aboli bibelot d'inanité sonore » de Mallarmé. Puis
arrive Bruno Fern qui, l'air de rien, se saisit de ces deux vers sur
rien pour en faire son exclusive matière, jusqu'à, les tordant à
la paronomase, exclusif outil, arriver à leur faire dire précisément
à peu près tout : une litanie jubilatoire, jubiloratoire même
car je vous en recommande la lecture à voix haute, par exemple
100 – Quartier de la
gare
Afro frites au kg distri
sex & CENTOR
101 – Dédicaces
A Sophie V. Lou O Lili
Juliette et Laure.
102 – Sous sa jupe
Anneau qui clique crypto
léger patiné or.
103 – Private Beach
A l'abri des prolos,
distingués se la dorent.
104 – De vrais pros
Atomisent l'Ostrogoth, y
compris s'il implore.
105 – En son miroir
A l'oubli coule à flots,
scintille et se dédore.
106 – Prédestiné
A grandi bon catho
fidélisé chez Dior.
107 – Ils sont
partout
A Beauly, Monaco,
Disneyland et Angkor.
à leur faire dire à
peu près tout disais-je, y compris l'envers même du projet enc
cours :
108 – Récital
poétique
Assoupit sirupo-éthéré
déodore.
Bruno Fern, L'air de rin, précédé d'une préface de Jean-Pierre Verheggen,
éditions Louise Bottu, collection contraintEs, 2015, p.
35-36.
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