Je ponce donc
La poncée me prit à l’occasion du rafraîchissement de mes volets, Ce devait être poncer pour peindre, ce fut poncer.
Du chêne épais de six centimètres. D’abord la lisse, poussière et patine, ensuite l’os. L’or pour la fin.
J’attaquai
à l’abrasif grossier, à la toile émeri numéro 40. En un mois j’avais
réduit les volets de moitié. Efficace mais
facile ; je passai au 80. Au bout de trois mois il me fallut du 120.
J’en usai cinq mois et sept du 240. Quand transparut le jour je finis
au papier à lettres.
Dans l’élan j’en vins à mes poutres. Directement au papier à cigarettes. Deux ans de joie pour une charpente en
allumettes.
Dorénavant je me passe d’outil, mon œil suffit. En quelques secondes je ponce mon prochain. J’use une montagne en douze ans.
Enfin prêt pour le grand œuvre.
Je peux me regarder.
Denis Guillec, Je(S), Les Carnets du
Dessert de Lune, 2011, p. 13
Le cerf de la couverture vous fait de l’œil ? C’est que comme moi vous avez dû le voir chez Gilbert Pinna, qui s’est ainsi retrouvé judicieux prescripteur loin de chez lui : c’est
à Arras que j’ai trouvé ce petit (juste par l'épaisseur) livre singulier, au stand de ces éditions au
nom programmatique. Il y a certaines couvertures qui valent la peine qu’on les soulève.
A propos de Je(S), l’avis de Jacques Morin, sur Poézibao.
Commentaires
Oh, Philippe, la belle surprise que vous me/nous faites ! ... je transmets au cerf et à l'auteur.
Commentaire n°1
posté par
Gilbert Pinna
le 08/06/2011 à 18h00
Mais ce livre est déjà en soi une belle surprise.
Réponse de
PhA
le 08/06/2011 à 18h53
Bravo. Et Gilbert qui couvre une ponceuse éclectique. Bravo.
Commentaire n°2
posté par
Dom A.
le 08/06/2011 à 18h53
Une ponceuse qui fonctionne à l'éclecticité renouvelable, qui plus est.
Réponse de
PhA
le 08/06/2011 à 19h00
Merci de ce signalement poétique, Philippe. L'éditeur, en plus, est
super top (malgré des reliures moyennement bien collées). Je ponce donc
allez vite me frotter aux pages de cet auteur, dont les
extraits proposés éveillent mes sens poétiques...
Commentaire n°3
posté par
David Marsac
le 09/06/2011 à 10h14
Il faut poncer, c'est essentiel. Moi-même, j'ai poncé bien des
parquets. (Tiens, c'est joli ça, ça pourrait faire un début de roman :
"J'ai poncé bien des parquets..." Et puis ça me rappelle
cet autre beau ponceur.)
Réponse de
PhA
le 09/06/2011 à 13h48
Ponce Pierre, je m'appelle.
Commentaire n°4
posté par
le petit cerf
le 09/06/2011 à 16h54
Joli nom.
Réponse de
PhA
le 10/06/2011 à 22h58