Lundi - Ma voisine se mange le pouce en lisant, j’aperçois un
peignoir suspendu. Est-ce la guerre ou autre chose tout est vide et
plat, derrière ces façades il n’y a plus de
ville. Seule la lampe qui invite à lire s’allume sur notre passage.
Jeux de quilles, jeux de billes, la ville tombe à terre ; une lampe
encore à Lariboisière et la fiction des
affiches.
Mardi
- Des blocs de quoi dans le canal, des ardoises qu’on échafaude, du
papier plastique aux fenêtres et
un toit provincial enfin. Le tût d’un train, une odeur d’alcool dans
le dos, les cadres se réunissent et les patients observent. Le ciel
illimité, la fin.
Mercredi
- Décidément, de Colonel Fabien à Jaurès on n’a presque le temps de
rien voir. Le soleil dore la
rotonde, la rue de Tanger sommeille, la Chapelle avance en
désolation. Mon voisin lit France Soir/Stalingrad/crackland. Le ciel est
presque pur. Le nouveau propriétaire de ma fenêtre aimée a
fleuri son balcon, sa fenêtre, l’immeuble entier. Nous descendons.
Mercredi bis
- le petit a trouvé hier une cuiller trouée au bout du balcon. Est-elle
tombée du ciel ou
quelqu’un à la forte poigne l’a-t-il lancée là, au deuxième étage
tout de même, et comment a-t-il fait ? Si mon livre parlait de la ville,
en le secouant on y trouverait des portières
grandes ouvertes, des autoradios faisant frémir les murs. Des
feuilles rousses et des rails, d’accord, mais aussi la surdité des corps
d’en face, la stupeur. Les trottoirs, les néons, le dos des
immeubles luisants oui, mais encore la tête dans les épaules, plus
de pas perdus, ne pas flâner, juste sentir de quel côté va passer la
police. Une vieille dame à la voix très douce appelle ici,
elle s’est trompée de numéro et s’en excuse. C’est un conte de fées,
un personnage de Beatrix Potter. Où est donc la réalité, de quel côté
de la vitre ?
Anne Savelli, Fenêtres open space, Le Mot et le reste, 2007, p. 37-38.
Les vacances, c’est le moment idéal pour imaginer qu’on va au
travail, comme tous les jours. C’est aussi le moment idéal pour lire, et
quand le livre est dédicacé à votre nom – corvée rituelle
que je réclame non sans malice aux auteurs que je rencontre comme on
tend la pelle à gâteau à celui dont c’est l’anniversaire, à lui de
faire le service –, c’est encore mieux. Anne Savelli,
rencontrée lors d’une lecture organisée par ses soins pour clore sa résidence au 104, tient un blog du même nom que ce livre, dont il est le prolongement.
Commentaires
Merci pour cette découverte.
Commentaire n°1
posté par
Loïs
le 02/08/2009 à 20h45
Un ciel pur à vous, Loïs.
Commentaire n°2
posté par
PhA
le 02/08/2009 à 23h24
De l'autre côté du miroir on aurait pensé à Lewis C.
Commentaire n°3
posté par
pascale
le 03/08/2009 à 09h18