samedi 25 janvier 2025

Souvenirs de mon père, 24

Tu as continué ton chemin, très inquiet pour ta mère et ta sœur. Sur le boulevard, au-delà de la gare, les maisons étaient démolies. Un peu plus loin, cependant, il n’y avait pas eu de dégâts : ça t’a un peu rassuré. Tu es arrivé dans votre rue, derrière le Cirque d’Hiver. Là, à nouveau, tu t’es trouvé face à des maisons démolies.

Tu as trouvé ta mère et ta sœur dans la cave, avec la voisine du dessus. Milou avait reçu plein d’éclats de verre sur elle, heureusement sans être blessée. L’arrière de la maison, côté cour, était en partie démoli. La nuit suivante a été pénible, dans l’inquiétude.

Le lendemain matin, toujours avec la voisine, vous avez décidé de partir à pieds, en exode.

En partant, vous êtes passés devant le magasin L’Union, dont la vitrine était défoncée. Tu as voulu prendre du ravitaillement mais la voisine s’y est opposée en disant que c’était du vol. Tu as quand même pris un paquet de gaufrettes fourrées, en douce.

Vous avez quitté la ville en poussant une vieille voiture d’enfant que vous aviez trouvée à la cave et dans laquelle vous aviez entassé tout ce que vous aviez pu sauver. Tu avais aussi accroché des sacs à ton vélo que tu poussais à la main.

Quand vous êtes arrivés dans la campagne hors d’Amiens, une nouvelle vague de bombardiers est arrivée à nouveau pour bombarder Amiens. Vous vous êtes couchés dans les hautes herbes pendant tout le temps du bombardement. Tu t’es rappelé que tu avais des gaufrettes. Tu as commencé à en manger et tu as rampé dans l’herbe pour en donner à ta mère et à ta sœur.

A ce moment-là, tu as eu un nouveau flash : tu t’es rappelé que trois ans auparavant, le lendemain de ton rêve sur le bombardement, tu avais rêvé que tu rampais dans l’herbe sur les coudes pour donner à manger tantôt à Milou tantôt à Mamie. Tu n’avais jamais fait de rêves prémonitoires jusque là, tu n’en as jamais refait depuis. Sans ces souvenirs, tu ne croirais pas la chose possible.

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