jeudi 1 février 2024

Le Contrat, par Franquin et Kafka, épisode 6

Messerschmied avait joué de malchance. Tout cela ne pouvait s’expliquer autrement. S’il avait été moins sourcilleux, allons, n’ayons pas peur des mots, moins susceptible, il y aurait longtemps que le contrat aurait été signé. Au lieu de cela, à la première contrariété, si futile fût-elle, à la moindre occasion, Messerschmied s’emportait, fulminait, vitupérait comme si l’on en avait voulu à sa vie, ou tout du moins à sa personne. Alors Messerschmied était retourné encore une fois chez Brunnen. Chez Brunnen, il avait été accueilli toujours aussi aimablement par Monsieur Witz, lequel, pour montrer sa bonne volonté, était allé fermé à clef un bureau voisin, d’où, semblait-il, venaient tous les problèmes, tous les hasards malencontreux, tout ce qui avait pu retarder la signature du contrat. Messerschmied restait sur ses gardes, cependant il ne pouvait empêcher toute une partie de lui-même de se réjouir : enfin le contrat allait être signé ! C’est donc avec un vrai sourire aux lèvres, que, assis face à Monsieur Witz qui, finalement, lui inspirait la plus grande sympathie, il se pencha vers sa serviette, qu’il avait posée sur le sol à côté de son siège, pour y saisir les formulaires du contrat. Et c’est dans sa serviette, dans sa propre serviette que ses doigts rencontrèrent il ne savait quoi d’extrêmement aigu qui lui meurtrit la peau jusqu’à l’amour-propre, au point qu’il ne put retenir un cri de douleur.

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