Je découvris d’abord une rognure d’ongle qui m’avait sans doute appartenu, puis un cheveu dont la couleur et l’épaisseur étaient semblables aux miens. Petit à petit, je constituais sous mes yeux un tas dans lequel j’étais amené à reconnaître des productions, maintenant mortes, de mes cellules. Alors se développa l’idée que l’ensemble de cette poussière, que je poussais maintenant dans la pelle, reflétait toutes les parties de mon corps, c’était moi réduit en poussière que j’allais précipiter à la poubelle. La parcellisation de mon corps physique, devenu indiscernable, se profilait dans cette matière inqualifiable. J’étais devenu un sachet de râpé.
Jean-Pierre Le Goff, Esquisses de la poussière, éditions des Grands Champs, collection inframince, avec une préface de Didier Semin.
Du même étonnant et méconnu Jean-Pierre Le Goff, membre du Collège de Pataphysique, les Grands Champs ont déjà publié CoQuillages (rappelez-vous) et Métaux adjacents. Le titre est fidèle au contenu : Le Goff esquisse pour nous tout ce que la poussière esquisse à nos sens et notre esprit.
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