Je viens seulement de
terminer la lecture de Hors
sol, le roman de Pierre Alferi. C'est un roman arrêté.
Comment vous dire. C'est un roman arrêté parce qu'il aurait aussi
bien pu être plus long, ou plus court, mais qu'à un moment il faut
bien s'arrêter – ce qui ne signifie pas du tout qu'il n'y a pas de
fin, oh non pas du tout – d'ailleurs le roman entier est une fin.
C'est un roman arrêté comme les personnages qui y sont arrêtés
car le Navire Amiral qui emmenait prétendument sur Mars ces gagnants
du grand concours qui permettait de ne pas cuire irrémédiablement
sur la Terre trop réchauffée en 2063 (année du grand Ravissement –
entendez l'envol desdits lauréats vers des cieux plus cléments), le
Navire Amiral disais-je s'est arrêté lui-aussi, en panne à
quelques encablures seulement de la Terre, depuis une quarantaine
d'années, tandis que ses habitants ont été répartis dans le
Calice, une couronne de 130 satellites tournant à 30000 km
d'altitude et surtout dans la Corolle, une autre couronne de 360
vaisseaux de sauvetage suspendus à 13 km seulement de la surface (la
température y est agréable même si la promenade sur la coursive
rend nécessaire le port du masque à oxygène) et plus gracieusement
rebaptisés « nacelles » – car tout est euphémisme
encore dans cet avenir proche –, ce qui vaut à leurs occupants,
répartis en petits groupes d'une dizaine de personnes en fonction de
leurs hobbys, le délicieux nom de « Corollaires ». Et
surtout c'est un roman arrêté car le temps n'y avance pas ; si
jamais un spécialiste de narratologie passe par ici, qu'il s'arrête
lui aussi sur cette curiosité : oui, voici un roman,
indiscutablement romanesque et même assez traditionnellement plutôt
épistolaire, où paradoxalement le temps ne passe pas. En effet, à
l'occasion d'un bug, c'est tout un état des publications à une même
date précise sur la MER (Mise En Relation électronique, rejeton
céleste de notre Internet) qui nous est donné à lire. Je ne vais
pas en dire beaucoup plus car il me faudrait développer et le
développement n'est pas mon fort, ni mon goût, et il n'est pas
tellement de mise d'occuper trop d'espace à soi seul dans une
nacelle de quelques mètres de long. Je m'arrêterai juste après
avoir précisé ceci : que cette narration arrêtée est à
l'image d'un monde, un mini-monde plutôt, qui ne doit sa survie, ici
décrite, qu'à son propre arrêt, à tourner autour d'une planète
morte (pour l'homme, nul doute que certains invertébrés
continueront à y prospérer), une survie qui vous l'aurez compris ne
fait pas vraiment envie, sauf à lire.
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