Traversée
est à ma connaissance le premier livre de Francis Tabouret, récemment
paru aux éditions POL. C'est un livre qui ne raconte presque pas. Un
peu quand même : la traversée de l'Atlantique, d'un homme
chargé de convoyer des chevaux, des taureaux, des moutons, de la
métropole aux Antilles, sur un porte-container, équipage
mi-français mi-philippin ; le Fort-Saint-Pierre. Entre les
deux, l'océan. Il ne se passe rien que ce qui doit se passer. Pas de
rebondissements, pas d'intrigue : les professionnels connaissent
leur métier. Une fois le bateau parti, il n'y a plus comme événement
que l'unique et rituelle ouverture de la « cave » :
chacun y fait ses achats. Ça se passe donc comme ça doit se passer.
Et tout cela est dit sans esbroufes. C'est un journal, il y a les
dates, les lieux, du 24 septembre au terminal à containers
Moulineaux de Rouen, jusqu'au 8 octobre, à la Pointe des Grives à
Fort-de-France. La langue est plutôt élégante mais factuelle. Même
pour dire ce qui est ressenti, elle s'emploie à dire ce que sont les
choses – occurrences nombreuses du verbe être, notamment en début
de fragments : « La mer est une plaine », « Le
bateau est un monde de ponctualité et de routine » et en
approchant de la côte – de la fin « La perte de l'horizon
est un deuil ». Et c'est là, peut-être, au moment de le
refermer, qu'on prend conscience de ce qui fait la force de ce livre
discret : on y serait volontiers resté encore, on est un peu
triste qu'il soit fini. On s'y était attaché, aux taureaux, aux
chevaux, même aux moutons. D'ailleurs c'est vrai, en fait, tout au
long de la lecture, on ne l'a pas lâché un instant, ce livre.
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