Parler
de son sujet ce n'est vraiment pas parler du livre, me dis-je en
refermant ce livre-ci qui, si j'en résumais son contenu en trois
mots, pourrait faire penser à ce livre-là, alors qu'il n'y a pas
plus éloigné, non il n'y a pas plus éloigné de Toutes les pierres de Didier da Silva que la Dissipation de Nicolas
Richard ; même si les deux évoquent des figures d'écrivains,
vraiment j'insiste : rien à voir – sauf à dire le plaisir
que chacun très différemment m'a procuré ; foin de l'apparent
sujet, je suis le seul point commun (c'est le lot du lecteur).
La
Dissipation en revanche ne cache pas sa référence à la
Disparition, un sipa y remplace un pari ; Nicolas Richard en
effet en fait un autre. Car c'est moins la lettre que l'être qui
dans la Dissipation non pas disparaît mais en effet se
dissipe, au point que du nom l'écrivain ne reste que l'initiale, de
l'être demeure la lettre, bien sûr que c'est un P, bien sûr que
non ce n'est pas Perec ; l'auteur de ce livre est aussi
traducteur, je vous laisse chercher qui se dissipe, c'est facile. Car
le traducteur ne veut pas trop en dire, je parle à présent de celui
qui dans ce livre parle, c'est aussi l'un des personnages, traducteur
de P soucieux de préserver l'effacement de son auteur, en
correspondance avec une étudiante en thèse, mais l'est-elle
vraiment ? Roman d'espionnage est-il précisé sous le
titre et à la lire c'en est un, tous les ingrédients y sont.
D'autres voix font rumeur autour de P, dont celle de « celui
qui va trop loin », par les yeux duquel le roman d'espionnage
le redevient au pied de la lettre.
La
figure de l'écrivain est un trou noir, jusqu'à quel point P en joue
nul ne peut le dire. Il y a aux Etats-Unis une mise en scène de
l'écrivain à laquelle certains sont tentés de résister, comme on
les comprend ; en Europe aussi sans doute mais la mesure y est
moindre. Ce P qui refuse d'apparaître n'en devient que davantage un
centre de gravité des fantasmes ; le plus anodin détail, la
plus banale anecdote s'y pare soudain de l'aura des mythes, résonne
comme un oracle sibyllin. L'abiographie de l'auteur effacé devient
l'un de ses plus fameux roman : son traducteur Nicolas Richard
l'a traduit.
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