« Il était sur le
point, sous l'accumulation de formes de champignons à l'extérieur
et à l'intérieur de sa tête, de perdre les visages des autres, des
gens, des humains, ce qui autrefois avait été pour lui la chose
suprême, le « tiers visible ». Sa femme, depuis
longtemps séparée de lui, me raconta qu'elle l'avait rencontré une
fois dans la forêt ; il avait d'abord regardé ce qu'elle
tenait dans ses mains. – Et c'était ? – Une oronge, une
amanite des Césars, une amanita caesara, couleur jaune d’œuf,
impossible d'avoir un jaune plus lumineux dans une enveloppe
immaculée comme un blanc d’œuf, un vrai délice des dieux. –
Quoi ? Elle aussi était devenue folle ? – Oui,
exceptionnellement, par jeu, pour peut-être reconquérir le fou en
chef. – Et alors ? – Il leva les yeux de l'oronge pour la
regarder bien en face, elle, sa femme. Mais il ne la reconnut pas,
l'admirant seulement, comme étrangère, davantage à cause de ce
qu'elle avait trouvé qu'en raison de sa beauté. »
C'est à la page 120 de
l'Essai sur le fou de champignons, de Peter Handke. Je ne suis
pas le fou de champignons. Je ne suis pas le fou de champignons. Je
ne suis pas le fou de champignons. Je ne suis pas le fou de
champignons. D'ailleurs nous n'avons pas les mêmes champignons.
D'ailleurs souvent je ne reconnais pas ses champignons. Et mon
histoire avec les champignons est complètement différente de la
sienne. Il vient des forêts d'épineux, moi des forêts de feuillus.
Rien à voir. D'ailleurs je n'ai jamais eu le projet d'écrire un
livre sur les champignons, même s'il se trouve que je l'ai un peu
fait quand même.
Des pensées comme ça,
un peu stupides comme la plupart des pensées, m'ont traversé à la
lecture de ce dernier Essai de Handke. Je n'ai pas lu tous les
autres. Je n'ai lu que celui sur la fatigue. Mais c'est à Par
une nuit obscure je sortis de ma maison tranquille, que j'ai
surtout pensé, par moments. D'ailleurs dans cet Essai sur le fou
de champignons on croise le
pharmacien de Taxham. Il connaît mieux les champignons que celui que
je consultais autrefois. Mais c'est surtout à cause de cette
impression de partir. Même si le fou de champignons ne part pas
vraiment.
Cet
Essai sur le fou de champignons,
c'est un livre sur ce qu'on trouve, sur ce qu'on perd. Quoi d'autre ?
Oui, lisez-le.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire