mercredi 22 novembre 2017

rencontre sous le chapeau

Il y a à Figeac, patrie de Jean-François Champollion et de Charles Boyer située à quelque cinquante minutes d'hélicoptère de la Maison de Pure Fiction, une belle librairie, le Livre en Fête, dans les rayons desquelles on a pu me voir flâner, et où j'ai appris que Peter Handke, avec lequel je me trouve quelques affinités qui vont au-delà d'une vague paronymie patronymique – mon Pas Liev à mon sens doit moins au Château de Kafka qu'à l'Angoisse du gardien de but au moment du penalty –, j'ai appris disais-je que Peter Handke venait sans m'en informer de faire paraître un essai sur ma personne, car comment lire autrement un livre intitulé Essai sur le fou de champignons ? Or voici qu'en défaisant mes bagages j'ouvre le livre au hasard et que j'en ai quasi l'immédiate confirmation :

« Sa première époque de folie de champignons fut suivie d'une moitié de vie où le monde des champignons n'eut plus guère d'importance pour lui. Et si oui, ce fut plutôt dans un sens défavorable : après l'acquisition d'une maison en ville – qui bizarrement se trouvait isolée, bien loin des autres habitations de son quartier et ressemblait plutôt à une ruine quand il y entra – proliféra dans l'un des murs des fondations, très peu de temps après son installation avec sa femme et son enfant, ce que l'on appelle la mérule pleureuse, qui s'incruste dans le bois et le mortier, descelle même les pierres de granit, et contre laquelle il n'y eut rien à faire – il fallut abattre le mur (ce qui ne fit d'ailleurs pas de mal à l'intérieur de la maison). » (p. 31, traduction par Pierre Deshusses)

Je me souviens parfaitement de cette immense champignon (il devait bien mesurer 1m50 de haut sur 1 m de large, que nous découvrîmes, ma femme et moi, derrière notre armoire au moment non pas d'emménager mais de quitter notre appartement pantinois (ce n'était pas une maison) ; il y avait un gros problème d'infiltration dans le mur de la salle d'eau. Est-ce une réminiscence ? je l'ignore – mais la mérule pleureuse revint, Serpula lacrymans, hanter mes pensées au point de devenir l'un des acteurs principaux de Monsieur Le Comte au pied de la lettre dont le dernier chapitre, ce n'est pas vraiment spoiler que de le révéler, s'intitule précisément « Les larmes de la Mérule », et de faire un retour discret dans mes toutes récentes Notes sur les noms de la nature :

Mérule pleureuse
est le nom qu’on trouve dans les livres
pour désigner
leur ennemi naturel.



(Un coup d’œil sur la page de gauche (du livre de Handke) me ramène à des formes mycologiques plus traditionnelles et moins inquiétantes, « répondant au nom de "lépiotes élevées" ou "coulemelles" », j'imagine qu'en allemand aussi il change selon la sorte d'intérêt qu'on porte à la chose, ici clairement gastronomique, encore une fois je confirme : c'est bien « panés et frits à la poêle comme des escalopes » que les chapeaux de coulemelle doivent se déguster.)

2 commentaires:

  1. Un peu gênée toutefois par la traduction, sachant que Handke n'est pas simple à traduire (phrases longues, incises etc). Mais parfois on s'y perd dans ce Fou. Ce qui est évidemment le propos mais la langue...J'ai tellement aimé les traductions de Goldschmidt. Suis-je vieux jeu?

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    1. Ma foi emporté par ma fougue j'ai écrit ce billet avant même de lire le livre. (Mais les traductions de Goldschmidt, oui !)

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