mardi 20 juin 2017

les hommes sont des vases

« Il réfléchit à tout ce qui lui avait été dit. C'était terrible, mais il en avait eu plus qu'il n'en avait eu jusque-là. Ça lui paraissait étranger, comme s'il avait écouté l'histoire d'un autre. L'homme squelettique qui dormait devant lui semblait n'avoir rien de commun avec l'homme qui avait évolué dans l'histoire qu'il avait racontée. Il se demanda comment le temps agissait sur un être. Il se demanda à quoi il ressemblerait dans quelques années et quel effet cette histoire aurait sur lui. Il espérait qu'elle aurait comblé le vide en lui, mais tout ce qu'il ressentait c'était la vacuité et la peur qu'il n'y ait rien pour combler cette béance. »


C'est un extrait de Les Etoiles s'éteignent à l'aube, le premier roman traduit en français (par Christine Raguet) et publié aux éditions Zoé de Richard Wagamese, dont il n'est peut-être pas inutile de préciser qu'il appartient à la nation ojibwé. Je dis ça, je n'y crois pas une seconde. La littérature n'a pas de nation, de nationalité, de pays ; elle est toujours étrangère, et universelle en même temps. Elle nous dit, la littérature, elle nous dit ici que les hommes sont des vases, des récipients, qu'il faut vider à un moment pour qu'ils puissent continuer ou finir en paix, vider et transvaser dans d'autres, pour que ceux-là gagnent un temps le poids qui leur permettra d'arpenter le monde. Et le contenu, ce qu'il faut transvaser d'un homme à un autre, c'est une histoire.

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