« Il réfléchit à
tout ce qui lui avait été dit. C'était terrible, mais il en avait
eu plus qu'il n'en avait eu jusque-là. Ça lui paraissait étranger,
comme s'il avait écouté l'histoire d'un autre. L'homme squelettique
qui dormait devant lui semblait n'avoir rien de commun avec l'homme
qui avait évolué dans l'histoire qu'il avait racontée. Il se
demanda comment le temps agissait sur un être. Il se demanda à quoi
il ressemblerait dans quelques années et quel effet cette histoire
aurait sur lui. Il espérait qu'elle aurait comblé le vide en lui,
mais tout ce qu'il ressentait c'était la vacuité et la peur qu'il
n'y ait rien pour combler cette béance. »
C'est un extrait de Les Etoiles s'éteignent à l'aube, le premier roman traduit en
français (par Christine Raguet) et publié aux éditions Zoé de
Richard Wagamese, dont il n'est peut-être pas inutile de
préciser qu'il appartient à la nation ojibwé. Je dis ça, je n'y
crois pas une seconde. La littérature n'a pas de nation, de
nationalité, de pays ; elle est toujours étrangère, et
universelle en même temps. Elle nous dit, la littérature, elle nous
dit ici que les hommes sont des vases, des récipients, qu'il faut
vider à un moment pour qu'ils puissent continuer ou finir en paix,
vider et transvaser dans d'autres, pour que ceux-là gagnent un temps
le poids qui leur permettra d'arpenter le monde. Et le contenu, ce
qu'il faut transvaser d'un homme à un autre, c'est une histoire.
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