Il se leva, enfila les vêtements qu’il avait portés quelques instants plus tôt et sortit sur le balcon.
Au-dessus de la falaise, à l’ouest, une petite tache attira son attention. Elle était vaguement nimbée de lumière ; la
suivait un fin et brumeux sillage…
Il regarda la tache grossir, s’imagina sur la Grand-Tour
/
se retrouva de nouveau sur la plate-forme aux couleurs vives ; le
drapeau claquait dans les airs. Le missile traversa les
toits en contrebas et s’abîma dans la tour que Sessine venait de
quitter. La tour entra en éruption ; le balcon vomissait des flammes
blanc-jaune, déchirant les murs et faisant sauter le
toit : une nuée de tuiles envahit le ciel, semblable à une horde
d’oiseaux effarés.
Tout droit dans les fenêtres du balcon. Sessine se sentit à la fois impressionné et déprimé.
Il ne vit ni n’entendit ce qui le frappa par-derrière – n’aperçut qu’une lueur aveuglante et sentit le souffle de
l’explosion.
Il se réveilla dans un lit, seul, un beau matin de printemps, selon les apparences. Il resta couché une seconde puis s’imagina
au sommet de la Grand-Tour
/
le premier missile sous ses yeux traversa la falaise, à l’ouest. Il se
retourna et vit le second arriver de l’est ; il
avançait très vite, à sa hauteur. Il se souvint de la sensation
qu’il avait eue en entendant les détonations dans le tank et se plaqua
au sol pour voir ce qui allait se passer. Il imagina la vue
en contrebas du château,
/ puis d’une tour qui donnait sur la falaise, au sud,
/ puis du nord,
/ puis des communs autour des grandes portes est,
/ puis de petites collines qui se trouvaient assez loin du château.
Le bâtiment dans son entier fut secoué de tremblements et disparut dans une retentissante série d’explosions, crachant des
langues de lumière, des moellons et des poutres haut dans le ciel, noir parmi les flammes.
– Sessine ?
Il se retourna. Devant lui, l’image de sa femme sur le chemin, aussi ravissante qu’au jour de leur première rencontre. Elle
ne me jamais appelé –
Elle bondit sur lui, un collet de fil de fer à la main, avant même qu’il ait pu réagir, l’étreignant, l’étranglant avec une
force surhumaine.
Il se réveilla dans le lit.Qu’est-ce que ça veut dire ? Que se passe-t-il ? Qui est – ?
Lueur à la fenêtre, quelque chose…
Imbécile !
Lumière partout.
Il se réveilla dans le lit.
Alandre, souffla la jeune femme de chambre, contre lui, la main tendue
/
il était sur le pont du yacht du clan, amarré, un soir, au large
d’Istanbul ; les eaux du Bosphore luisaient,
sombres ; les ponts jumeaux lançaient leurs arches dans le ciel. Son
cœur martelait sa poitrine. Il jeta un bref coup d’œil alentour.
Personne. Il leva les yeux. Quelque chose tombait du
pont du chemin de fer… Il se mit à imaginer – puis de nouveau une
lumière d’une brillance atomique, illuminant toute la ville…
Il se réveilla.
– Ala…
/ il était au lit, dans son appartement du quartier général du clan Aérospace, tour Atlantéenne.
Le docteur à son chevet le regarda – une physionomie vaguement familière, une expression de regret dans les yeux. Lui tira une
balle juste entre les sourcils.
Il se réveilla.
– Al…
/ il se trouvait dans l’infirmerie de la forteresse du clan à Seattle. L’infirmière était penchée sur lui. Le couteau s’abattit
malgré ses gémissements.
Et quelque chose en lui hurla : Sept !
Il se réveilla.
Il
se trouvait dans une chambre d’hôtel, petite, clinquante et sordide.
Les rideaux tirés, le plafonnier allumé. Il était assis.
Son cœur battait fort contre ses côtes, son corps était baigné de
sueur froide. Il supprima les faux symptômes physiques de son état de
panique et commença à s’imaginer ailleurs… Mais il n’avait
plus nulle part où aller. Et, ne sachant pas où il se trouvait, il
finit par comprendre que cet endroit-là n’était pas pire qu’un autre.
Iain M. Banks, Efroyabl Ange 1, éditions l’œil d’or, 2013, p. 52-53, traduit de
l’anglais par Anne-Sylvie Homassel.
Puisque Iain M. Banks a trouvé facétieux de quitter ce monde le
surlendemain du jour où j’ai acheté ce livre, il était juste que ce passage s’impose à mes Hublots.
Pour savoir un peu plus à quoi ressemble cet étonnant roman, lisez donc ce qu’en dit Hugues Robert, de la librairie Charybde, sur Médiapart – et embarquez dans cet
Efroyabl Ange 1.
Ce billet était juste une pause dans la pause, reprise derechef.
Ensuite Philippe, j'aimerais entendre la comédienne Lyn Thibault (qui lit Effroyabl Ange 1) lire Liquide.
Admirable Liquide. Une jouissance de lecture. Dont je me suis imprégnée par bribes puis morceaux. Je vais le relire.
Puis une troisième fois, et j'essaierai d'en dire quelque chose.
Toujours pas obtenu Monsieur le Comte par mon libraire. Vais me résoudre à écrire à Quidam. Mais c'est bien que j'aie eu Liquide longtemps seul. Aujourd'hui, les autres (titres) peuvent venir.
Vais acheter Enigm Marcheur (touché un jour puis laissé sur étagère libraire). Mouton de Morgiève aussi. J'ador(e) Morgiève.
D'une manière plus générale, actuellement, la bibliothécaire de ma petite ville qui doit, pour ses commandes, passer par une librairie de la capitale de région, ne parvient pas à obtenir les livres des éditions Quidam.
Passer par l'éditeur est effectivement la seule solution. C'est pourquoi je vous l'avais suggéré. Bonne lecture!