samedi 20 décembre 2025

Souvenirs de ma mère, 27 (les Singes rouges) : Paris, 1961

 Regarder derrière Louis Armstrong


Elle n’a jamais vraiment su ce que cela voulait dire, cette phrase. Mais elle lui est restée dans l’oreille. Cet exil de son frère, quand il a été envoyé tout seul en Martinique pour aller au lycée, à la rencontre d’une famille qu’il ne connaissait pas ; elle a toujours pensé que ça avait été une mauvaise chose. Un éloignement définitif, qui n’était pas que géographique, mais qui s’est traduit aussi par la géographie.

C’est son histoire à lui, qu’il ne connaît pas vraiment. Une histoire de langues étrangères, allemand, néerlandais, russe... que son oncle a apprises tout seul, et une histoire de musique aussi, d’où surgissent les images de Paris Blues, le film de Martin Ritt, où l’on voit en 1961 sa silhouette de jeune homme de presque quarante ans jouer du saxophone dans le dos de Luis Armstrong, sous les voûtes du Caveau de la Huchette. Et qui trouve sa fin l’an dernier, ou celui d’avant, il ne sait plus déjà, dans un petit cimetière de l’Oise.

Cette parenthèse en jazz, c’était avant sa naissance à lui. Lui il se souvient juste que son oncle posait de la moquette.


Il y a plein d’histoires qui se croisent. Les gens qui écrivent se mettent à plusieurs pour n’écrire que leur partie d’une histoire plus grande.

Parfois la page d’un livre est en même temps la page d’un autre. Ou le dos de la page d’un autre.






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