vendredi 25 avril 2025

Pierre Alferi l’imprudent

Pierre Alferi fait partie de ces talents protéiformes à l’égard desquels je nourris naturellement une affection particulière. Son dernier livre – puisqu’il faut bien parler de dernier, une note en fin d’ouvrage nous informe que « l’imprudent est un texte inédit de Pierre Alferi établi par Suzanne Doppelt à partir du tapuscrit qu’il lui confie en juillet 2023 en vue d’une publication. Pierre Alferi est mort le 16 août 2023 » –, son dernier livre donc, l’imprudent donc, ne manquera de surprendre ceux qui n’auraient lu que Hors sol, par exemple, ou les Jumelles – un peu moins ceux qui en ont lu davantage. L’imprudent s’appelle Tram. Il s’appelle Tram quand il ne s’appelle pas Trom, selon « la volonté de l’auteur », nous avertit-on. Il vaut d’ailleurs mieux pour Tram qu’il s’appelle Tram plutôt que Trom, remarque-t-on bientôt, d’autant plus après avoir fait la connaissance de Mart, l’amie de Tram, quand ce n’est pas sa compagne. Car le sort de Trom, pardon, de Tram, lequel souffre souvent de ce qu’avec délicatesse il appelle « une petite fatigue », n’est pas toujours enviable. Ses aventures – au sens de ce qui advient – sont narrées en de brefs fragments qu’on qualifiera vite fait d’absurdes, tous intitulés (on pense un instant au Plume de Michaux – mais le nom du protagoniste, Tram ou Trom, n’apparaît dans aucun titre de fragment, alors on n’y pense plus), fragments eux-mêmes rassemblés en six parties clairement thématiques : « Débuts », « Les voyages », « Les travaux », « Les amours », « Visions de Mart », « Les épreuves ».

J’aime à distinguer la vie de l’œuvre. D’ailleurs je ne sais à peu près rien de la vie de Pierre Alferi en dehors de ce que tout le monde sait, et aussi qu’un jour de début d’été il a été abordé à une terrasse de café par un type de son âge avec qui il a parlé de narration sans progression temporelle et de natation. N’empêche. Je vous recopie juste l’avant-dernière page de l’imprudent (quelle imprudence, vivre!)


L’agonie


Tram a vieilli prématurément. Il est vieux. Très vite il est très vieux, et très très vite extrêmement vieux. Ça dégénère, ça s’accélère, pourtant ça dure. Il est plus qu’un peu fatigué, aussi fatigué qu’il peut l’être pour affronter l’épreuve qui, manque de chance, est justement d’être encore un peu plus fatigué.



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