dimanche 7 mai 2023

"Le paon se marie à l’église."

Tiens, je n’avais pas lu l’œuvre posthume de Thomas Pilaster, écrite par Eric Chevillard et publiée par les éditions de Minuit en 1998, où l’on peut lire l’œuvre posthume de Thomas Pilaster, écrite par Thomas Pilaster et publiée par son fidèle ami Marc-Antoine Marson, lequel commente en toute subjectivité, notices et notes à l’appui, les qualités de ladite œuvre.

C’est d’écouter récemment l’auteur, ni Pilaster ni Marson mais bien Chevillard lui-même, invité en personne et en librairie à l’occasion de la parution de la Chambre à brouillard – rappelez-vous – qui m’a donné envie de combler ce manque : figurez-vous qu’en effet, je crois d’ailleurs l’avoir déjà dit, je n’avais encore rien lu de Thomas Pilaster jusqu’à ce jour.

Il y a déjà eu des articles passionnants sur l’œuvre posthume de Thomas Pilaster (sans parler de ceux sur l’œuvre posthume de Thomas Pilaster) ; je ne vais pas en rajouter sinon ceci : ce questionnement, qui personnellement me passionne, sur l’évaluation du texte. Déprécié par Marc-Antoine Marson, une sorte d’anti-Max Brod jaloux du succès de son ami, mais donné à lire par Chevillard tout de même. L’auteur présente donc un texte dont il n’assume pas pleinement la responsabilité, plaçant le lecteur dans la position – que personnellement je trouve délicieuse – de pouvoir le louer et le dénigrer en même temps. Voilà, je vous donne juste ça comme piste de réflexion. Moi-même je n’ai pu m’empêcher de penser à Défense de Prosper Brouillon, où Chevillard récupère les phrases les plus ridicules récoltées lors de ses années de chroniqueur littéraire au Monde et, se les réappropriant ou plutôt en les faisant celles dudit Prosper Brouillon, brillent soudain d’un éclat nouveau et insoupçonné. J’ai pensé aussi au titre du fameux Et si les œuvres changeaient d’auteur ? De Pierre Bayard que décidément il va bien falloir que je lise. J’ai pensé à moi aussi, puisque les écrivains sont d’épouvantables lecteurs autocentrés, et que c’est dans cet esprit que j’ai commis, il y a quelques années, Seule la nuit tombe dans ses bras (ou plutôt, Même la nuit tombe dans ses bras, le roman d’Herbert Kahn). Et enfin, je me suis épaté moi-même pour la facilité avec laquelle j’ai immédiatement compris l’aphorisme animalier de Thomas Pilaster « Le paon se marie à l’église », avant de me rappeler que je l’avais déjà lu, accompagné de son explication, il y a une vingtaine d’années, dans Du hérisson, mais proféré par une autre voix, et avec un écho différent (ce qui fait, on l’aura compris, de l’œuvre posthume de Thomas Pilaster une mise en abyme ironique de l’œuvre d’Eric Chevillard). Qui en effet pourrait immédiatement comprendre « Le paon se marie à l’église » ? On arrive à ce point précis où la formule – petite forme – est à la fois parfaite et parfaitement hermétique à qui débarque sans être prévenu : abîme au bord duquel, faisant fi de son propre vertige, l’écrivain s’aventure.

Je viens de relire ce billet ; il est décidément très mal coiffé. Mais comme je ne le suis pas tellement mieux et que j’ai un kalmia et un grevillea à planter, il restera comme il est.






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