mardi 8 février 2022

Où pisser.

Les jours suivants s’écoulèrent dans une morosité partiellement enrayée par un nouveau jeu de chiffres, mal délayée dans de longues marches. Il les terminait souvent au Plateau des Poètes, un parc où quelques sentes poussiéreuses s’entortillent autour d’une grosse flaque noirâtre que seul le palmage machinal de canards dépressifs empêche de coaguler. Une météorite temporairement exposée, couverte de fientes, semblait s’appesantir sur son incroyable déchéance : traverser l’espace pour finir dans l’Hérault ! Elle se savait la risée du cosmos. René contempla pensivement ce gros caillou jusqu’à ce qu’un homme titubant vienne pisser contre le corps céleste. Un autre le rejoignit qui préféra pisser à côté, dans une plate-bande de rosiers où il creusa un petit cratère débordant d’une écume jaunâtre. Son œuvre sembla lui plaire, lui donner un soupçon de fierté, un peu comme s’il caressait le poil d’un fauve mort mais tiède encore.


Si vous cherchez où lire, voici un extrait du Zoo des absents, le nouveau roman de Joël Baqué, qui vient de paraître chez POL. Les amateurs de la Fonte des glaces retrouveront l’humour de l’auteur, et le basculement du personnage, de nouveau retraité mais plus fraîchement cette fois, dans un milieu qui n’avait rien pour l’attirer a priori (cette fois un courant anti-spéciste radical), et vers un destin qu’il n’aurait jamais imaginé – et nous non plus.





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