Ahmed, qu’on appelle ainsi depuis le début, dit qu’il s’appelle Amadou, en vrai. Ahmed, pour ses séjours en pays musulmans. Il dit aussi son nom de famille : c’est que nous cherchons sa sœur. Nom et prénom. Prénom, Makoko. Même père, même mère, dit Ahmed. Les premières démarches : auprès des sauveteurs qui sont dans les parages. Je suis sûre, ou plutôt son frère est sûr (son frère évangélique, alors que je ne pensais pas me tromper en lui souhaitant un bon Aïd), est sûr qu’elle est arrivée. Ahmed dit : partie de Dakhla, arrivée à Las Palmas le 21 décembre 2019. Prenez la photo, allez dans les centres, ouvrez les yeux, vous trouverez. Plus de cinq mois, dont deux d’isolement, en Espagne.
Les centres dans le sud de l’Espagne sont vides, les Canaries saturées. Première interlocutrice de la Croix-Rouge, à Las Palmas : on donne une carte SIM à toutes les personnes qui arrivent afin qu’elles préviennent les familles qu’elles sont saines et sauves.
Ahmed pense donc que sa sœur, Makoko, est arrivée le 21 décembre à Las Palmas. Au matin, on cherche des listes. Celle des personnes transférées en Espagne, dans un de ces centres qu’on nous dit vides en ce moment. Celle des personnes expulsées. Il y a eu en effet des vols de retour en Mauritanie, au mois de janvier, au nom d’un vieil accord de réadmission datant de 2003. On ne trouve ni l’une ni l’autre.
Si Makoko a voulu, quand cela était possible, faire comme son frère : prendre un avion pour la péninsule avec un document alias ? Ahmed n’a pas dormi. Sa petite sœur, disparue, le hante. Il l’attend ici. Elle est arrivée à Las Palmas, Gran Canaria, répète-t-il. D’abord la police, puis la Croix-Rouge. Puis on est transféré sur une des sept îles. Ce qui s’est passé : elle n’avait pas un bon téléphone. Mais un peu d’argent (il confirme : c’est lui qui le lui a donné).
Marie Cosnay, Des îles Lesbos 2020 Canaries 2021, éditions de l’Ogre, 2021, p. 80-81.
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