Non : je ne vais pas vous dire ce qu’il y a dans le premier souper, le dernier livre d’Alexander Dickow, qui est aussi son premier roman – à moins que ce ne soit celui de Ronce Albène.
Plutôt : quelques pensées personnelles qui m’ont traversé, juste moi, à propos de la question quoi manger – qui est quand même le sujet, ou le ressort, du roman.
Car quoi manger, ça n’est pas simple. A fortiori quand on est huit milliards sur Terre (je ne parle pas du premier souper : je ne sais pas combien on y est ni même si c’est sur Terre, peu importe).
Je vois devant moi se décliner toute matière. Et toute matière n’est pas comestible à l’organisme humain. La matière minérale ne l’est pas, en tout cas pas directement, sauf l’eau et le sel qui ne nous nourrissent pas. Il nous faut nous repaître de matières organiques. Végétaux. Champignons. Animaux. La grande majorité des végétaux et des champignons sont non comestibles à l’organisme humain (à l’occasion toxiques, mais c’est presque anecdotique). Il nous reste les animaux, majoritairement comestibles. Mais nous sommes des animaux. Des animaux autour desquels la matière s’étend en cercles concentriques, de moins en moins mangeable en s’éloignant de nous. Mais nous sommes des animaux qui répugnons à nous manger nous-mêmes – et certains d’entre nous n’hésitent pas à élargir ce nous aux autres espèces. Alors manger des plantes, les quelques plantes qui sont mangeables ? Développer la culture des plantes comestibles – forcément au détriment des innombrables espèces incomestibles ? Non, vraiment, quoi manger est un sujet inconfortable.
Et Alexander Dickow nous en fait tout un roman – rassurez-vous : j’en dis le moins possible. Il en fait même un roman qui en est trois, et qui est en même temps l’évocation d’un autre dont on ne lit que deux brefs extraits ; car le premier souper est le titre du livre d’un certain Ronce Albène, dont on apprend que tardivement l’identité.
Le premier souper est publié aux éditions La Volte, spécialisées en science-fiction ; on se souvient du beau succès, très mérité, des Furtifs d’Alain Damasio. Je le dis car Alain Damasio est remercié à la fin, et Alexander Dickow est le traducteur américain des Furtifs. Le premier souper aussi est un roman de science-fiction. Mais Alexander Dickow, lui, c’est un poète (dont j’ai déjà eu l’occasion de parler ici, là et là). Et maintenant, c’est un poète américain qui écrit un roman de science-fiction français. Qui écrit dans une langue et un genre qu’il fait siens – comme on fait sien ce qu’on mange.
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