mercredi 8 janvier 2020

de la séparation de l’auteur et de son œuvre


La question de la séparation de l’artiste et de son œuvre revient sur le tapis. Pour une fois (qui vraiment n’est pas coutume) j’ai un avis, et comme tout le monde s’en fiche je le donne. Faut-il séparer l’artiste de son œuvre ? Clairement : oui. Précisément dans le cas où celui-ci serait un criminel tandis que celle-là aurait quelque valeur : l’œuvre, si belle soit-elle, ne saurait exonérer son auteur de ses crimes ; que la justice fasse son travail. Hop, tout le monde est d’accord.
Parfois, me dira-t-on, cette distinction est difficile à opérer, lorsque l’artiste lui-même s’est chargé d’organiser la confusion entre son œuvre et sa personne ; c’est le cas dans l’affaire qui défraie la chronique du moment. Oserais-je le dire ? Ça me paraît une malhonnêteté d’auteur. N’importe quel chic type écrivant des livres pleins de bons sentiments, il n’en manque pas, devrait à ce titre connaître un succès assuré.
Mais il faut quand même bien dire que ce qui rend cette confusion possible, ce qui fait qu’un artiste en vue – ou un homme politique, ou un sportif, ou n’importe quel personne en vue – ose se permettre ce qu’il n’oserait sans doute pas dans une autre position (assumons le lapsus, ça fera une blague dans ce sérieux billet), c’est que le public, de manière générale, est bien trop attentif à la personne. On crée des icônes vivantes, on les rend désirables. On récompense des artistes au lieu de promouvoir leur œuvre, on élit des personnes au lieu d’élire des projets – c’est pour ça qu’on les honnit aussitôt ou presque, au lieu de lutter contre leurs idées. Bref, on n’en est pas encore sortis, de cette vieille représentation du monde avec ses héros, ses saints, etc. Quand on élira des projets politiques anonymes, quand on publiera des œuvres sans noms d’auteur, on aura peut-être enfin franchi un pas.



2 commentaires:

  1. Ça fait un bien fou de lire ce que vous dites là.
    Il faut ajouter que si la distinction n'existait pas, nous serions tous comme des papillons épinglés sur un panneau de liège, autrement dit, "morts". Parce que l'"artiste" n'est rien d'autre qu'une identité sociale, càd ni celui qui s'exprime au moment où il écrit, ni l'ego qui parade (ou pas) devant les caméras, ni même le fameux "Je" dont personne ne sait vraiment ce qu'il est (sauf certains cognitivistes qui souvent savent tout)

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