mardi 13 janvier 2015

Courants blancs de Philippe Jaffeux



L’objet est un carré bleu nuit traversé d’un éclair clairement électrique publié aux éditions l’Atelier de l’agneau dans une collection qui ne s’appelle pas tout à fait aphorismes puisque c’est juste aphoris. Et de fait en l’ouvrant on peut penser aussi que Courants blancs est un recueil d’aphorismes qui n’en sont pas tout à fait. L’œil y est tout de suite alerté par la régularité de la longueur des apparents aphorismes, un énoncé d’une ligne à chaque fois mais pas plus sans autre ponctuation que son point final, énoncé multiplié à raison de vingt-six par page ; régularité donc aussi de la longueur des pages, lesquelles sont doublement paginées : la pagination traditionnelle se double d’une pagination réelle : de la page 1 première écrite à la page 70 et dernière le texte respecte la règle comme s’il était tracé à la règle. Et comme un livre est quand même un livre on ne s’étonnera pas que la page 1 soit à la page 5 et la 70 à la 74. C’est qu’il se joue dans Courants blancs quelque chose qui va au-delà de l’aphorisme, une poésie accidentelle qui tient de la tension, ou de la surtension entre des pôles opposés tels les côtés d’un carré : homme, animal, parole, alphabet sont comme les points cardinaux et essentiels qui reviennent inlassablement baliser le champ de ces 1820 unités verbales – je pense aussi à une sorte de vision atomique du langage – dont voici les premières qui vous montreront plus clairement ce que j’essaie de vous dire (car dire, nous dit aussi ce texte, n’est pas nécessairement le moyen de se faire entendre) :

Il se noya dans un cercle lorsqu’il confondit l’eau avec une quinzième lettre solaire.
Les animaux s’arrêtèrent de parler pour donner aux hommes la chance d’obéir à leurs cris.
Il applaudissait ses prières depuis qu’un vide s’était glissé entre ses mains.
La folie enferma ses échecs dans un carré et il réussit à se déplacer en diagonale.

Philippe Jaffeux, Courants blancs, l’Atelier de l’agneau, 2014, p. 5, c’est-à-dire page 1.


2 commentaires:

  1. J'aime beaucoup ces quatre phrases extraites de ce livre !

    De même pour celles que j'ai trouvées ici :

    http://www.recoursaupoeme.fr/critiques/courants-blancs-de-philippe-jaffeux/carole-mesrobian

    Merci de la découverte !

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    Réponses
    1. Je le découvre moi aussi, et j'y reviendrai probablement.

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