lundi 28 octobre 2024

Le Contrat, par Franquin et Kafka, épisode 42

Cela faisait déjà de trop longues minutes que Messerschmied attendait dans le canapé qu’un employé de Brunnen lui avait désigné avant de partir avertir Monsieur Witz de la présence de Messerschmied. Enfin Monsieur Witz finit-il par ouvrir la porte en courant et se précipita, à moitié nu, dans le bureau où l’attendait Messerschmied.

466



dimanche 27 octobre 2024

Abécédaire du dimanche (injonctif)

Abandonne ! Bois ! Cours ! Danse ! Écris ! Fuis ! Grouille ! Hurle ! Insiste ! Jouis ! Klaxonne ! Lutte ! Mâche ! Nie ! Ouvre ! Pars ! Questionne ! Reste. Souviens-toi. Urine. Viens whister, xylophoner, yéyer, zouker !


(Abécédaires polythéisteévénementielau chômagephotographiqueforestierarmé presque jusqu’aux dentscommissionnairemixologiquealphabébêtiqueabécédarophileconversationnelprésidentielonomatopéiquefaunophoniqueproverbialbibliomaniaqueaquoibonistemeurtriertouristiqueculinaireguerrierfloralzoologique)

samedi 26 octobre 2024

Souvenirs de mon père, 11

Tit Père vivait avec sa femme paralysée et avait sa maîtresse à domicile. Elle s’appelait Aline. Milou et toi, vous ne l’aimiez pas. Un jour, elle était dans la salle d’eau et vous vous êtes amusés à lui faire peur en vous mettant un drap sur la tête.

La CGR (Compagnie Générale de Radiologie) a été fondée à l’occasion de la fusion des anciennes sociétés Gaiffe, Gallot et Pilon d’une part ; et d’autre part des sociétés Ropiquet (la société de Tit Père, Clément Ropiquet), Hasard et Roycourt. Tit Père est resté ingénieur conseil. En 1934, la Thomson a repris la CGR, qui est devenue une filiale. Tit Père s’est retiré, et il réinvesti ses capitaux dans une société immobilière au 78-80-82 avenue de Versailles à Paris, qui a fait faillite. L’architecte s’est suicidé, tous les actionnaires ont été ruinés. Tit Père, qui était le plus riche des actionnaires, a cherché à renflouer la société en y renversant de nouveaux capitaux, contre l’avis de nombreuses personnes. C’est ainsi qu’il a perdu ses derniers capitaux en 1936. Il est retourné vivre en location à Amiens, au 54 boulevard Alsace-Lorraine. (L’appartement de la rue Chappe, à Montmartre, a été acheté par Tonton Léon, avec l’argent de Madatine.)

A Amiens, Tit Père est tombé malade. Il était diabétique. Il avait des plaies qui ne se refermaient pas. En 1937, il a appelé sa fille, Mamie, pour qu’elle vienne le soigner. Elle l’a fait. Milou et toi, vous êtes restés sans votre mère à Paris, Villa Robert Lindet, pendant un an. Vous vous débrouilliez très bien. C’est à cette occasion que vous avez découvert des fromages autres que les pâtes cuites, et la viande saignante, choses que Mamie ne mangeait pas. Tonton Léon venait apporter de l’argent tous les dimanches. Cette année-là, en escaladant les grilles du stade, comme d’habitude, ton bras est resté accroché à trois pointes de la grille. Tu en as gardé les trois cicatrices. Tu t’es soigné tout seul, en versant de l’eau de Cologne dessus.

Je t’ai souvent entendu dire de Tit Père, ton grand-père maternel, qu’il n’avait pas le sens des affaires – toi non plus, d’ailleurs. En revanche, c’était un bon ingénieur, et aussi un bon peintre amateur (c’est encore mon avis).

jeudi 24 octobre 2024

Avant que l’« occasion » ne cannibalise le marché du livre et ceux qui le font exister

Je relaie l’édito de Christophe Hardy, président de la SGDL, à propos de l’impact du marché de l’occasion sur la survie des auteurs et des éditeurs.


Avant que l’« occasion » ne cannibalise
le marché du livre et ceux qui le font exister

Les lecteurs savent-ils que, sur les livres d’occasion, les auteurs ne touchent rien ? RIEN. En quatre lettres. Les droits d’auteur ont disparu. On dit savamment qu’il y a « épuisement du droit » parce que l’occasion procède de la revente d’un livre neuf qui, lui, a déjà généré des droits. Passons sur le fait qu’une œuvre de l’esprit, votre création, puisse continuer à générer des gains pour des revendeurs alors qu’elle n’en produit plus pour vous, le créateur. C’est un débat juridique qui dépasse le cadre de ma réflexion. Observons plutôt l’évolution récente d’un marché en pleine expansion et en pleine métamorphose. 

Elle est alarmante. Une étude publiée en 2024 par le ministère de la Culture a montré qu’en 2022 un livre sur cinq était acheté d’occasion, que le chiffre d’affaires des revendeurs de livres d’occasion s’élevait à 350 millions d’euros (10 % du chiffres d’affaires du livre neuf) et qu’il connaît une croissance exponentielle (+49 % en cinq ans). Ce marché s’est par ailleurs profondément recomposé : il se concentre désormais autour de puissantes plates-formes, généralistes ou spécialisées (Amazon, Momox, Rakuten-Price minister, Ebay), au détriment de la revente entre particuliers et du réseau des bouquinistes, qui, lui, est en voie de disparition. 

Ces plates-formes, rappelons-le, ne participent pas à l’économie de la création. Mais manifestement elles profitent de celle-ci, et de plus en plus. D’ailleurs, sur la plupart d’entre elles, le livre n’est qu’un produit d’appel : on vous propose par exemple un ouvrage d’occasion à 1 euro en vous facturant une prestation (ouvrage + frais de livraison) à 4 ou 5 euros. La marge bénéficiaire est donc principalement réalisée sur la refacturation de services de livraison à domicile ou en points de retrait, dont les tarifs sont préalablement négociés « en gros » au tarif le plus faible auprès d'entreprises spécialisées.

Par ailleurs, dans la chaîne du livre, il n’y a aucune chronologie des médias. Quand un livre neuf paraît, quelques semaines, voire quelques jours plus tard, il est disponible à des prix dérisoires sur des plates-formes de revente. Étant donné que celles-ci proposent livres neufs et livres d’occasion sur une même page, en accompagnant ces derniers de la mention « Comme neuf », on imagine bien que le choix des acheteurs va spontanément vers le « meilleur marché ». 

Dans le contexte général de précarisation des auteurs et d’une sur-publication alimentée par les grands groupes éditoriaux dont le modèle économique repose sur la circulation intensive des flux de nouveautés, les évolutions récentes du marché de l’occasion renvoient les auteurs, au-delà de l’épuisement de leurs droits, à leur épuisement tout court, confrontés qu’ils sont à des conditions de rémunération de plus en plus dures. L’idée de mettre à contribution des entreprises qui prospèrent sur une économie du livre qu’elles fragilisent, semble aujourd’hui indispensable. Tel est le sens de l'amendement qui vient d'être déposé par les députées Violette Spillebout, Aurore Bergé et neuf autres de leurs collègues parlementaires à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2025.

Deux arguments sont parfois opposés à cette proposition. Le premier (populiste) est de dire que « taxer » l’occasion pénalisera ceux qui disposent de faibles revenus, notamment les plus jeunes. Or l’étude de 2024 montre que les trois-quarts des acheteurs de livres d’occasion ont entre 35 et 65 ans et que, parmi eux, les hauts revenus (les « CSP+ ») sont sur-représentés. Le second argument (écologique) avance le fait que la revente d’occasion, supposée vertueuse, permettrait au livre de vivre plus longtemps, éviterait le pilon et un gaspillage de papier. C’est s’aveugler sur le fonctionnement réel des circuits de distribution des grands opérateurs de l’occasion et leur impact en termes de développement durable : les livres d'occasion sont acheminés vers des plates-formes de tri, qui les réexpédient à l'unité au domicile de leurs clients, multipliant ainsi le transport routier et les opérations d'emballage. Comment ne pas supposer que le bilan carbone de ces grandes plates-formes est donc beaucoup plus dégradé que celui du réseau de distribution du livre neuf en librairies ?

En prenant prétexte de l’un et/ou l’autre de ces pseudo-arguments, on peut choisir de ne rien faire. Pour nous auteurs, il est urgent d’agir, de fixer des règles parce que, dans cette affaire, il est question de notre survie en tant qu’acteurs indispensables de la création et de la diversité éditoriale, qui est l’une des fiertés de notre modèle culturel. Au printemps dernier, la ministre de la Culture a exprimé des réserves quant à l’idée de mettre à contribution les acteurs de la revente des livres d’occasion. Nous espérons que, forts du soutien d’une majorité d’élus, nous la convaincrons du bien-fondé d’une « contribution » des plus gros acteurs de ce marché au financement de la création, et de ses vertus redistributives pour compenser le préjudice économique que nous, auteurs de livres, subissons et risquons de subir de plus en plus violemment, ainsi que nos éditeurs.

Christophe HARDY, président de la SGDL




mercredi 23 octobre 2024

court toujours (288)

A voir tous ces chantiers partout, tu t’étonnes de ne pas entendre chanter davantage – le chant n’est-il donc pas le fruit du chantier ?




mardi 22 octobre 2024

Odradek

(…) On ne saurait d’ailleurs en dire plus long à ce sujet, car Odradek est extraordinairement mobile ; on ne peut pas l’attraper.

Il se tient tantôt au grenier, tantôt dans l’escalier, tantôt dans les couloirs et tantôt dans le vestibule. Il disparaît parfois pendant des mois ; c’est sans doute qu’il est allé dans d’autres maisons, mais il revient toujours dans la nôtre. Souvent, quand on sort et qu’on le voit en bas appuyé sur la rampe de l’escalier, on a envie de lui parler. Naturellement, on ne lui pose pas de questions difficiles ; on le traite comme un enfant – sa petitesse, à elle seule, vous y pousserait. « Comment t’appelles-tu ? » lui demande-t-on. « Odradek », dit-il. « Et où habites-tu ? » « Pas de domicile fixe », dit-il en riant, mais ce n’est que le rire qu’on peut produire sans poumon, un rire qui ressemble à peu près au crissement des feuilles mortes ; il marque en général la fin de la conversation. D’ailleurs, ce n’est pas toujours qu’on obtient ces réponses-là ; Odradek reste souvent muet comme le bois dont il semble fait.

C’est en vain que je me demande ce qu’il deviendra. Peut-il donc mourir ? Il n’est rien qui ne meure sans avoir eu une sorte de but, une sorte d’activité qui l’ont usé ; ce n’est pas le cas d’Odradek. Dévalera-t-il encore un jour l’escalier, traînant ses bouts de fil après soi, devant les pieds de mes enfants et des enfants de mes enfants ? Il ne nuit, bien sûr, à personne ; mais l’idée qu’il doive me survivre m’est presque douloureuse.


Franz Kafka, le souci du père de famille, traduction d’Alexandre Vialatte.

lundi 21 octobre 2024

Le Contrat, par Franz Franquin et André Kafka, épisode 41

Messerschmied avait pris la précaution d’exiger de Monsieur Witz qu’il fasse en sorte qu’un individu supposément employé par la société Brunnen (mais à quoi ? rien ne permettait de le dire) et qu’il avait cru identifier comme l’une des causes principales voire la principale cause des catastrophes qui les avait empêchés jusque-là de signer le contrat ne soit pas sur les lieux lors de sa prochaine visite, ce à quoi Monsieur Witz s’était engagé avec la plus grande fermeté dont il semblait capable. Aussi l’incompréhension de Messerschmied fut-elle plus grande encore que sa colère quand, alors même qu’il était sur le point de signer le contrat, ledit individu fit irruption dans le grand bureau confortable où Monsieur Witz avait, une fois n’est pas coutume, convié Messerschmied et, sans plus de manières et prétextant on ne sait quelle raison vaguement médicale, le somma de quitter son siège, que Messerschmied en effet quitta sur-le-champ, ainsi que l’ensemble des locaux de la société Brunnen, pour n’y jamais revenir.

455





dimanche 20 octobre 2024

Abécédaire du dimanche (polythéiste)

Adorons Baal ! Chérissons Dionysos ! Encensons, fêtons Ganesh ! Honorons Isis, Junon, Kali ! Louons Mars, Némésis, Osiris ! Prions Quetzalcoatl ! Révérons Seth, Teutatès, Uranus ! Vénérons Wotan, Xolotl, Yahvé, Zeus !



(Abécédaires événementielau chômagephotographiqueforestierarmé presque jusqu’aux dentscommissionnairemixologiquealphabébêtiqueabécédarophileconversationnelprésidentielonomatopéiquefaunophoniqueproverbialbibliomaniaqueaquoibonistemeurtriertouristiqueculinaireguerrierfloralzoologique)

samedi 19 octobre 2024

Souvenirs de mon père, 10

C’est de nouveau écrit à quatre mains : il parle, j’écris – d’où la deuxième personne. Ce passage est la suite directe de celui-ci (tout est un peu mélangé, en fait).


Ton école, en 1933, c’était l’externat Saint-Louis, 82 rue de l’Abbé Groult. C’est là que tu as fait ta première communion, à l’église Saint-Lambert de Vaugirard. C’est là aussi que tu avais été baptisé. Et c’est là aussi que, plus tard, tu t’es marié.

Après la rue Dombasle, vous vous êtes installés Villa Robert Lindet. C’est là que tu as eu ta première petite amie. Elle s’appelait Jacqueline Dubernais. Tu avais onze ans. Tu avais un copain, aussi : Guy Bourk. Vous vous poursuiviez d’une pièce à l’autre en passant par le rebord extérieur du mur de l’immeuble.

Tu gardes de bons souvenirs de l’école.

Milou était à Sainte-Clotilde, et n’y faisait rien. Mamie ne se rendait pas aux convocations de la maîtresse. La maîtresse s’est déplacée elle-même. Milou suppliait Mamie de ne plus aller à l’école, et elle n’y est plus allée (en 1935 ou 36).

Tu as passé le certificat d’études par dérogation, comme tu étais dans le secondaire, en 7e. Etait-ce en 1937 ?

jeudi 17 octobre 2024

mercredi 16 octobre 2024

court toujours (286)

De nos jours, en photo, l’identité se doit de faire la gueule. La gueule identitaire, quoi.




mardi 15 octobre 2024

lundi 14 octobre 2024

Le Contrat, par Franz Franquin et André Kafka, épisode 40

Il ne pouvait plus être question pour Messerschmied de poursuivre dans cette voie. Il n’était plus possible d’envisager de signer le contrat avec les établissements Brunnen. Il n’était pas non plus imaginable de ne pas signer le contrat. Le contrat devait être signé. Messerschmied prit alors une décision, après quoi il se sentit mieux. Il ne signerait le contrat que face à Monsieur Brunnen en personne. Après tout, ce Monsieur Brunnen pouvait bien prendre la peine de signer le contrat en personne, sans déléguer l’affaire à un quelconque sous-fifre. Ne pas signer le contrat en personne, n’était-ce pas déjà un affront envers Messerschmied ? À sa grande surprise, on fit savoir à Messerschmied que la chose ne posait pas de problème, que s’il le souhaitait, il pourrait signer le contrat directement avec Monsieur Brunnen. Messerschmied se rendit donc chez Brunnen, et se fit annoncer. Mais encore une fois, ce fut Monsieur Witz qui, dans un mélange de surprise et d’obséquiosité gênée, vint à la rencontre de Messerschmied, lequel ne fut pas fâché de lui faire savoir qu’il avait exigé de traiter avec Monsieur Brunnen en personne. Monsieur Witz s’empressa de guider Messerschmied jusqu’à la salle du conseil, à la porte de laquelle il frappa discrètement. Comme personne ne répondait, il ouvrit la porte et proposa à Messerschmied d’attendre là Monsieur Brunnen ; il allait le prévenir de ce pas de la présence de Messerschmied ; il y avait même de la lecture à la disposition de Messerschmied dans le petit salon adjacent. Messerschmied était moins curieux de lecture que de rencontrer enfin Monsieur Brunnen, mais comme il lui sembla entendre du bruit derrière la porte du petit salon, il se dit que, peut-être, c’était Monsieur Brunnen qui l’attendait déjà, arrivé par une autre porte. Il ouvrit donc la porte du salon et se retrouva nez à nez avec un vieux cheval qui le regardait tranquillement, comme il aurait regardé un autre vieux cheval.

454



dimanche 13 octobre 2024

samedi 12 octobre 2024

Souvenirs de mon père, 9

Toujours de sa main, la suite du passage posté samedi dernier :


En 1937, c’est l’année de la mort de Petit-Père (son grand-père paternel, qui faisait vivre sa fille et ses petits-enfants) et là que nous avons quitté Paris pour rester définitivement à Amiens ; nous ne sommes pas allés à Gretz. Mais en 1938 nous sommes allés à Arras pour les vacances de Pâques. Pour les grandes vacances je suis retourné seul à Gretz. C’était l’année des menaces de guerre. Tata (la sœur aînée de son père décédé) a téléphoné à Tonton Léon (le frère de sa mère) pour lui demander comment j’allais  retourner à Amiens. Il lui a dit qu’étant donné les événements, il valait mieux que je reste plus longtemps à Gretz. Tata lui a répondu : « Dans ce cas, Léon, il va falloir réviser les émoluments ». J’ai compris que, pour accepter de me garder en vacances avec elles, la sœur et la mère de mon propre père voulaient que le frère de ma mère les payent avec l’argent venant de mon grand-père. J’en suis resté très mortifié et, curieusement, je le suis toujours.

Je n’ai plus jamais revu ma grand-mère. Elle est morte en 1942 et seules Maman et Milou sont allées à son enterrement. Peu avant sa mort, Milou lui avait écrit, mais Tata a dit que c’était une lettre hypocrite dictée par sa mère, ce qui n’était pas du tout le cas, et ne lui a pas fait voir, ce qui est très mal.

Depuis 1941, nous habitions à Gretz en résidence principale et unique et nous sommes retournés en vacances à Arras en août 1943, Milou et moi avec Maman. Ensuite, je suis retourné à Arras en septembre 1943, comme je l’ai dit, pour y soigner ma pleurésie.

jeudi 10 octobre 2024

Olivier Hervy de tout près

Olivier Hervy écrit Tout près, c’est le titre, que Gros textes publie. Tout près est un livre écrit en effet de tout près, de plus près peut-être encore que ses Promenades avec le déplaisant P, ancré dans le même univers que ce dernier, plus provincial que n’importe quelle province ne pourrait l’être – à moins d’être regardé de tout près. On croise d’ailleurs le déplaisant P et d’autres protagonistes récurrents de ces romans en creux que sont aussi les recueils d’aphorismes d’Olivier Hervy. Roman en creux ou peut-être autoportrait par ricochet, car qui d’autre que le narrateur de Tout près serait capable de nourrir un intérêt aussi obsessionnel à l’égard des « trois sœurs de quarante ans aux longs cheveux filasses et longues robes à motifs », dont on ne saura rien d’autre qu’elles marchent dans la rue malgré les cinquante-neuf notes dont elles sont les héroïnes anonymes ?



mardi 8 octobre 2024

Disparaître en Amérique

« Ce qui se passait dans le petit compartiment, rempli de fumée même quand la fenêtre était ouverte, ne présentait aucun intérêt auprès de ce qu’on voyait dehors.

Le premier jour ils traversèrent de hautes montagnes. De gigantesques masses de pierre d’un noir bleuâtre avançaient jusqu’au train ; on se penchait vainement par la portière pour essayer de voir leur sommet ; d’étroites vallées s’ouvraient, déchiquetées, ténébreuses ; on tendait le doigt dans la direction où elles se perdaient ; de larges torrents arrivaient, pareils à de hautes lames sur le fond montueux, rapides et marbrés de mille petites vagues d’écume, pour s’abîmer sous les arches des ponts sur lesquels passait le chemin de fer, et leur haleine glacée faisait frissonner la peau. »


Voilà, ce sont les dernières lignes que nous ayons du chapitre « Le théâtre de la nature d’Oklahoma ». Il y a bien d’autres fragments mais ils évoquent des aventures de Karl Rossmann antérieures à ce départ. Au-delà de cette description d’une Amérique mystérieuse et méconnaissable, on perd la trace de Karl. Comprends-tu, Franz, pourquoi ce roman, dont je viens de recopier ces quelques lignes, traduites par Alexandre Vialatte, dans mon vieil exemplaire qui, sur sa couverture, porte le titre l’Amérique ; comprends-tu pourquoi toi, en l’évoquant dans ton Journal, tu l’appelais le Disparu ?



lundi 7 octobre 2024

Le Contrat, par Franz Franquin et André Kafka, épisode 39

Messerschmied avait reçu un petit colis à son attention ; il provenait des établissements Brunnen. C’était un porte-clef. Ce n’était qu’un gadget, mais enfin, l’intention était louable. Et puis, justement, Messerschmied avait besoin d’un porte-clef pratique : il l’utilisa aussitôt. Il avait le porte-clef à la main au moment où il quitta ses locaux, et ce fut à ce moment-là que le porte-clef, qui figurait une petite bouteille dont il venait de tourner le bouchon, lui échappa des mains. Mais il ne tomba pas : il s’éleva doucement dans les airs, hors de portée des mains de Messerschmied.

445



dimanche 6 octobre 2024

Abécédaire du dimanche (au chômage)

Annonces… Bon coin… Décès… Emplois : Ferrailleur gaucher… horticulteur itinérant… jeune kinésithérapeute libre maintenant… netsurfer… organiste pieux… quincaillier russophone… sénateur très utile… vernisseur waterproof… xénobiologiste… youtubeur zélé !


(Abécédaires photographique, forestier, armé presque jusqu’aux dents, commissionnaire, mixologique, alphabébêtique, abécédarophile, conversationnel, présidentiel, onomatopéique, faunophonique, proverbial, bibliomaniaque, aquoiboniste, meurtrier, touristique, culinaire, guerrier, floral, zoologique)