Depuis des années, Bruno Fern fait résonner la poésie. Et pour ce faire, il invente, il invente des machines à faire résonner la poésie. La poésie qu’il fait ainsi résonner peut être signée par d’autres noms que « Bruno Fern » ; ainsi l’on trouvera dans des tours ceux aussi bien ceux de François Villon ou Pierre de Ronsard que ceux de Christian Prigent ou Jean-Christophe Bailly, en passant par Rainer-Maria Rilke ou John Updike. On peut ne lire que les tours de Bruno Fern ; c’est ce par quoi j’ai commencé, dans notre manque commun de temps, et ça marche. Mais dès lors que la première lecture est terminée, on se rappelle que, par exemple :
la robe fouettée sous les projos
les paumes s’y baladent sy
métriques leur pâleur nickel intégralement
zoomable de bas résille en haut bâillon
gardé le temps qu’il faut en te
nue légère à l’œil et d’où jaillit
(Francis Ponge,
« L’œillet »,
in La Rage de l’expression)
Qu’est-ce donc que ce déshabillage ? On a compris en lisant la « FABRIQUE » liminaire que « d’où jaillit la robe fouettée » sont les mots empruntés à Ponge, et que si les paumes symétriques de Bruno Fern s’y baladent, c’est aussi pour hâter le strip-tease : un retour à la ligne en milieu de mot et voici la tenue légère « nue (…) à l’œil et d’où jaillit » le désir irrépressible d’ouvrir de nouveau cet œillet : depuis combien de temps ne l’avait-on pas relu ? Et me voici donc relisant tout l’œillet, retrouvant à la section 9 le dernier vers amplifié par Bruno Fern, me rappelant que tiens, cette section 7, je la savais autrefois par cœur. Mais ce n’est pas tout ça : il faut maintenant que je relise la Première Elégie de Duino. On l’aura compris : lire ce petit livre de moins de cent pages peut prendre beaucoup de temps, et prendre ce temps c’est se rappeler qu’on n’écrit pas tout seul et que la poésie, la littérature, n’est que notre œuvre commune.
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