dimanche 10 mars 2019

Frères sorcières


Parfois un livre est une image miniature de l’œuvre entière à laquelle il appartient. On peut dire ça par exemple des Trois contes de Flaubert. On peut sans doute le dire aussi de Frères sorcières, d'Antoine Volodine. Les entrevoûtes y sont trois aussi, structure la plus simple possible pour ce genre post-exotique commenté dans le Post-exotisme en dix leçons, leçon onze, et déjà illustré de ce côté du monde par Nos animaux préférés d'Antoine Volodine et Avec les moines-soldats de Lutz Bassmann. C'est peut-être aussi, des trois recueils d'entrevoûtes qui nous sont donnés à lire, celui où les écarts de genres et de ton sont les plus importants. La première voix est celle d'Eliane Schubert, au nom presque bien de chez nous, et le lecteur qui n'aurait jamais lu Volodine et commencerait par Frères sorcières ne serait pas complètement dépaysé, me disais-je en lisant cette première entrevoûte (sauf à entrevoir, et c'est sans doute là le discret essentiel, quand parle Eliane Schubert, et à qui). La deuxième entrevoûte est un genre dans le genre, puisqu'il s'agit du texte intégral des « vociférations », théâtre ou magie, magie et théâtre, « cantopéra » présent à l'esprit d'Eliane Schubert tout au long de sa vie, même après que cette comédienne ambulante a été enlevée et... Mais ce billet n'a pas pour propos de vous résumer une histoire. Rappelons seulement que le théâtre, chez Volodine, est à la fois genre et sujet. « Faire théâtre ou mourir », s'intitule la première entrevoûte – et cela aurait dû être le titre du livre entier, nous confie l'auteur. La troisième, et dernière, s'intitule Dura nox, sed nox et n'est constituée que d'une seule longue phrase sans fin. Car tout simplement il n'y a pas de fin à la vie de l'être que l'on y suit, vivant de corps en corps, tantôt femme, tantôt homme, par la magie, depuis le big bang jusqu'à la fin des temps – qui présente quelques ressemblances avec le Soloviei de Terminus radieux, mais non, c'est encore autre chose. En contrepoint de la première entrevoûte, cette dernière est aussi celle où l'humour de Volodine, humour du désastre évidemment, donne sa part la plus grande.
Mince, que ce billet est scolaire, à la relecture, surtout en comparaison avec le livre dont j'essaie de parler. Ce doit être un effet l'approche de la rentrée. Mais s'il peut donner envie de lire Frères sorcières, alors ça vaut peut-être le coup de le poster.



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