Mon chef me fait appeler
dans son bureau. Il me serre la main en même temps qu'il lâche des
ronds de fumée. Les ronds de fumée ont au maximum trois centimètres
de diamètre avant qu'ils ne se dissipent. Après avoir écrasé sa
cigarette, il dit :
– Je veux avant toute
chose te remercier pour ton travail remarquable. Tu fais du très bon
boulot. L'entreprise est redevable à des gens comme toi. Mais comme
tu le sais, cette usine n'est qu'une partie d'un plus vaste ensemble
et c'est pourquoi, dès la semaine prochaine, tu seras affecté au
bureau central. Il y a là-bas de nouvelles phases de temps à
mesurer. De nouveaux employés à chronométrer et des méthodes de
travail à ajuster.
Quand il termine sur le
mot ajuster, c'est-à-dire sur ce « é » d'aperture
moyenne antérieure, je comprends que j'ai trouvé une place où mon
propre cerveau, mon corps autonome et ma pensée auront le champ
libre.
Pär Thörn, le Chronométreur, Quidam, 2017, p. 59. Traduit du suédois par Julien Lapeyre de Cabanes.
Le Chronométreur
ne pouvait pas s'intituler autrement. Le Chronométreur est le
récit de la vie d'un homme qui passe son temps à le mesurer, et qui
a le bonheur de trouver un travail à sa mesure. L'histoire d'un
homme qui trouve sa place dans le monde, autrement dit. Une chance
inespérée, appréciée qui plus est à sa juste valeur par celui à
qui elle échoit. Tant de bonheur, je vous dis. Ça fait froid dans
le dos.
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