mercredi 24 février 2010

T’en fais pas mon pote, j’écrirai tout.

Les repas sans lui, c’était la première fois, il mangeait dans sa chambre, je sais pas quoi, je me demande ce qu’il pouvait encore avaler ou digérer, s’il suivait un régime spécial, sûrement, à cette époque, vers la fin, tout son corps était touché, c’était la fin, une fin.
En partant ce dimanche soir, on leur a dit qu’on revien­drait le dimanche suivant, on pouvait pas avant, oui, même si on savait déjà, avant cette visite, June nous l’avait dit, qu’il pouvait partir à tout moment, pour la première fois, elle en avait accepté l’idée, même si jusqu’au bout, elle a espéré un miracle.                                    Je savais que s’il était toujours en vie la semaine suivante, il ne serait presque plus en état de parler, vu la vitesse à laquelle son état se dégradait, il se désintégrait, et mes dernières paroles pour lui, le peu que je pouvais lui donner, seul avec lui, prêt à partir, déjà habillé, la voiture n’attendant plus que moi pour nous emmener à la gare, c’était main­tenant, alors je l’ai regardé, j’ai soutenu son regard, qui cette fois ne me lâchait pas, au prix de quel effort, je me le demande, et je lui ai dit, je n’ai rien trouvé d’autre, qu’est-­ce que j’aurais pu dire d’autre, je lui ai dit, T’en fais pas mon pote, j’écrirai tout.             T’auras pas grand-chose à raconter, c’est ce qu’il m’a dit, après un silence, très len­tement, et toujours, ce regard.                       On en est tous là, c’est ce que je lui ai dit.
 
B.S. Johnson, les Malchanceux, Quidam, 2009.
 
Impossible de préciser la page. Ça peut être vers la fin, ça peut être vers le début ; ça changera sans doute la lecture, le ton ; ça ne changera rien au fait que ce livre est un bien plus qu’un bel objet inventif et insolite.
On lira avec profit les avis notamment de Bartleby et de Claro.


Commentaires

Je ne sais pas pourquoi je ne l'ai pas acheté lorsque j'en avais l'occasion. Par pudeur, je crois - oui, c'est idiot! Mais à la lecture de ce passage, j'ai peut-être bien fait d'attendre d'être en meilleur forme! Mais que c'est beau. (Vous avez respecté les espaces, c'est ça?)
Commentaire n°1 posté par Depluloin le 24/02/2010 à 13h16
Il n'est pas trop tard ! C'est un livre profondément humain - y compris dans sa forme.
(Oui, j'ai essayé de respecter les espaces.)
Réponse de PhA le 24/02/2010 à 13h55
Oui ce B.S. Johnson a l'air vraiment formidable.
Au fait, êtes-vous allé à cette soirée ou un auteur devait parler de lui?
Commentaire n°2 posté par Ambre le 24/02/2010 à 13h57
Oui - et oui : c'est un auteur formidable !
Réponse de PhA le 24/02/2010 à 14h07
Ah mais... vous y étiez avec DdS? Hi!
Commentaire n°3 posté par Ambre le 24/02/2010 à 15h03
Comme vous voyez...
Réponse de PhA le 25/02/2010 à 17h16
Tiens, c'est étrange, j'ai entendu tout récemment parler de ce B.S. Johnson, je ne sais plus trop où. Je ne me souviens surtout d'une question complètement stupide d'un énergumène dans le public qui devait être vraissemblablement ivre. Ca m'avait découragé.
... Impossible de remettre tout ça en place dans ma tête, ça me reviendra...
Commentaire n°4 posté par François Matton le 25/02/2010 à 13h54
Ah, la mémoire ! Comme un livre sans agraffes, à lire dans un ordre ou un autre. C'était une belle soirée, et vive les énergumènes, même ceux qui ne posent pas de questions !
Réponse de PhA le 25/02/2010 à 17h16
Ah oui, ça y est ! Ca m'est revenu ! Oh la gaffe !!
Bon sang ! Efface vite mon message, il va se reconnaître !
Commentaire n°5 posté par François Matton le 25/02/2010 à 17h50
L'effacer ? Jamais de la vie ! (Zut ! j'ai dû prononcer une formule magique par mégarde :  je l'entends déjà qui arrive, il va te croquer tout cru !)
Réponse de PhA le 25/02/2010 à 18h04
Ah? "il" était P T? Normal! To speak english is more easy when we have a drink!
(Qui çà où çà...;o))
Commentaire n°6 posté par Ambre le 25/02/2010 à 18h11
N'allez surtout pas croire tout ce que raconte l'ami François !
Notre ami, seul parmi une assistance nombreuse et médusée, a osé poser la seule question, la vraie, essentielle, d'ailleurs saluée par l'éditeur pour sa pertinence, et que, zut, j'ai oubliée.
Réponse de PhA le 25/02/2010 à 18h23
Maintenant que tout me revient, bien sûr que ce courageux intervenant (en l'occurrence mon voisin) n'était pas saoul ! C'est juste que je me disais qu'il fallait l'être pour oser se lancer ainsi, seul devant toute une assemblée !
Ah d'ailleurs quelle était bien cette question ! Je ne me souviens plus non plus de son contenu, mais je me souviens qu'elle était parfaite, franche et fière, et qu'elle a fait grand effet.
(C'est après qu'on est aller picoler non ? Ou bien j'étais le seul ? Rrrr la mémoire, la mémoire...)
Commentaire n°7 posté par François Matton le 25/02/2010 à 18h37
Nous avions bien légèrement commencé avant ("bien", pour la qualité, évidemment), mais tu nous l'avais jouée grand travailleur ; et rien ne m'autorise à supputer sur ce que tu as pris avant de nous rejoindre. Ensuite, en effet...
Réponse de PhA le 25/02/2010 à 18h53
Aaaarrrgggrrrr! j'aurais aimé être là; en vrai je me serais un peu P T... pour une fois que je n'aurais pas eu à reprendre ma voiture pour rentrer.
Etre P T c'est quand même mieux que de se la P T hein!
(si vous prenez le métro prenez l'apéro)
Commentaire n°8 posté par Ambre le 25/02/2010 à 18h37
Accrochez-vous, mon sous-marin a du roulis !
Réponse de PhA le 25/02/2010 à 18h54
Bon, ben  Loïs...
Commentaire n°9 posté par Anna de Sandre le 01/03/2010 à 10h38
Eh oui...
Réponse de PhA le 01/03/2010 à 12h24

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