mercredi 9 juillet 2025

Demain : Un même désir de reconnaissance

 

Un dernier billet avant la pause estivale pour Un même désir de reconnaissance, qui officiellement paraît demain aux éditions LansKine – il sera donc disponible en librairie –, mais dont on reparlera surtout à la rentrée. Voici la présentation qu’on peut en lire sur les sites des librairies :

« Un même désir de reconnaissance est un ready-made écrit à partir d’ouvrages visant à l’identification dans des domaines divers, où les objets à identifier ont été effacés. Ne reste que l’effort du langage pour tenter d’appréhender en vain une réalité qui lui échappe. Beaucoup d’éléments sont là pour nous permettre d’identifier ce dont on parle et pourtant, on est totalement perdu, désorienté. L’auteur nous amène à nous poser la question sur ce qui fonde l’identité des êtres ? Ces textes ont trouvé une sorte d’écho dans le travail plastique de Philippe Annocque, empreintes peu reconnaissables, qui comme les mots interrogent sur l’identité de l’objet ou l’élément représenté. »

Aussi n’en dirai-je pas davantage. On aura compris que dans ce livre ma voix n’est pas juste ma voix.

Quelques « citations », pour donner une idée.


« Le regard fixe et vague est très caractéristique.


Son vocabulaire est étendu. »

p. 13


« La tête est petite et présente des yeux foncés bien nets.


Les métamorphoses sont complètes. »

p. 21


« La face orale est dorsale. La bouche et l’anus y sont situés. »

p. 27


« Il est recouvert d’une croûte résinoïde profonde. »

p. 34


« Ils passent toute la durée de leur existence à tomber lentement. »

p. 43



mardi 1 juillet 2025

La grammaire au brevet 2025 et les compétences linguistiques des concepteurs du sujet

Le texte était un extrait de la Force de l’âge, de Simone de Beauvoir, qu’on peut lire par exemple en cliquant ici. Un mot quand même sur les questions de « grammaire et compétences linguistiques ». Disons-le tout de go, les « compétences linguistiques » que j’évoquerai dans ce billet ne sont pas celles des élèves, mais celles des concepteurs du sujet. Il y avait trois questions (je ne parlerai pas de la réécriture) : les questions 7, 8 et 9.


Question 7 :

« J’étais là, seule, les mains vides, séparée de mon passé et de tout ce que j’aimais » (l.9-10)

a) Quelle est la classe (ou nature) grammaticale du mot souligné ? (1 point)

b) Justifiez la terminaison de ce mot. (1 point)

a) Le corrigé propose, comme nature, « participe passé ». Le participe passé serait donc une classe grammaticale ? Un additif tardif vient rajouter de la gêne à la gêne : on préconise de mettre juste un demi-point à un candidat qui aurait écrit « verbe » ou « adjectif ». Pourquoi pénaliser le candidat qui propose « adjectif » ? « Séparée » est un participe passé employé comme adjectif, c’est-à-dire que, précisément, il a changé de nature : ce n’est plus un verbe, c’est un adjectif, dont il assume les fonctions (ici, attribut du sujet « je », comme « seule » l’est aussi).

b) Le corrigé propose : « séparée s’accorde en genre et en nombre avec le sujet « je » qui désigne etc. » Depuis quand un participe passé employé comme adjectif peut-il avoir un sujet ? Le concepteur prend visiblement cette tournure attributive dans laquelle « étais » est un verbe d’état pour une voix passive où « étais » ne serait qu’auxiliaire.


Question 8 :

« j’avais rendu visite à la directrice du lycée, mon emploi du temps était fixé » (l.24-25)

a) Recopiez le passage ci-dessus puis placez entre crochets les différentes propositions et précisez la classe (ou nature) grammaticale de chacune. (2 points)

b) Comment sont-elles reliées ? Comment qualifie-t-on ce lien ? (1 point)

Là c’est la question b) qui pose évidemment problème au candidat soucieux de mettre en valeur ses propres compétences linguistiques (j’ai eu la chance d’en avoir un certain nombre dans mon paquet), dont on est en droit de se demander si elles ne sont pas supérieures à celles des concepteurs. Car enfin, qu’est-ce qui peut relier deux propositions indépendantes juxtaposées, puisque, précisément, elles sont indépendantes et juxtaposées ? autrement dit : elles ne sont pas reliées mais séparées par une virgule (laquelle virgule s’est retrouvée très logiquement baptisée « ponctuation conjonctive » dans la copie d’un candidat mis en difficulté par ses propres et réelles compétences linguistiques).


Question 9 :

« je m’immobilisai en haut du grand escalier. » (l.5)

a) Identifiez et nommez les trois éléments qui composent le mot souligné. (1,5 point)

b) Expliquez le sens de ce verbe puis trouvez un mot de la même famille. (1,5 point)

L’énoncé de la question a) pose en soi problème. En effet il n’y a pas trois mais quatre éléments : un préfixe, le radical, un suffixe, une terminaison verbale. Un additif tardif là encore vient préciser qu’il ne faut pas accepter la dénomination « suffixe » pour la terminaison verbale. Or, si l’on considère qu’un suffixe est un affixe qui se rattache à la fin d’une base, à quel titre en exclurait-on les terminaisons verbales ?

Enfin, last but not least, je vous laisse apprécier par vous-même le corrigé de la question b) concernant le sens du verbe souligné :

« Le mot « immobilisai » signifie « que l’on ne peut pas bouger. »

Ouch.