mardi 24 février 2015

Mon jeune grand-père (72)




Le 1er septembre 1917. Mes chers parents Sur cette carte-ci l’écriture est nettement moins serrée que d’habitude. La lecture est plus facile.
J’ai reçu peu de courrier ces jours-ci. Ce sont les cartes de Papa des 15, 16 et 18 août, plus une longue lettre de ma chère cousine Lucie. Lucie Mangot, souvent citée, précieuse épistolière. Elle est toujours très emballée et très confiante. Edmond le disait déjà dans sa carte du 27 avril. Sa lettre est très bien tournée. Elle me demande de faire mes mémoires, elle me dit que cela me fera du travail pour l’hiver, mais ce n’est pas le travail qui me manquera. Et puis, je n’ai rien d’assez intéressant à raconter. « Elle me demande de faire mes mémoires. » Me voici. Je suis le bras armé de la vive cousine de mon grand-père, une jeune fille dont je connais à peine l’existence. Je suis là, Edmond, pour te dire de raconter que tu n’as rien d’intéressant à raconter. Que c’est le rien d’intéressant à dire qui est vraiment intéressant, à la fin. J’ai toujours eu ce sentiment, j’ai toujours vécu dans cette contradiction entre la nécessité de dire et la conscience qu’il n’y a rien à dire. Un instant je me plais à imaginer que c’est l’héritage d’une captivité vieille d’un siècle. Louise avait joint un petit mot en anglais que j’ai très bien compris (quoiqu’il y eût quelques fautes), elle me demande si j’ai reçu une lettre en anglais qu’elle m’a écrite il y a déjà pas mal de temps, je croyais en avoir accusé réception. Louise est la sœur de Lucie. Il faut que je consulte, pour pouvoir l’affirmer. J’imagine que c’est sa cadette. Apparemment les deux sœurs n’ont pas eu d’enfants. Edmond mentionne un petit mot de Louise en anglais dans sa carte du 16 février 1917. J’ai reçu le cake (si je lis bien) n°4 et le colis de vivres n°14. Il a été bienvenu, il va nous permettre d’attendre les autres, surtout que nous avons trouvé une boîte de végétaline à emprunter. J’ai parfaitement Mais là à nouveau je n’arrive pas à lire ce qui suit jusqu’à je suis étonné de ne pas vous l’avoir dit. J’ai fini le coffret à bijoux pour Geneviève et il est très joli, j’en suis très content. Je l’ai bien réussi. Il y a longtemps que le Kerbschnitt n’avait pas été évoqué. Ou alors c’est une impression, parce que ces objets sont à mes yeux tout ce qui reste, en trois dimensions tout du moins. J’ai commencé un petit cadre pour Adeline. Je ne sais toujours pas qui est Adeline. Je vous quitte mes chers parents en vous embrassant de tout cœur tous les 4. EAnn


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