mardi 30 mars 2010

dans le détail des corps


Après les soins, je me suis promené sur la plage, juste en bas. C’est la première fois que je sors du centre. Le soleil était encore haut, d’autant plus haut que la mer était très basse. Jamais je n’avais vu la mer se retirer autant, même aux équinoxes. On devinait à peine l’eau à l’horizon, comme un trait argenté discontinu. Alors j’ai marché dans sa direction, croisant des méduses échouées, des grappes d’œufs de seiches, de grandes ceintures d’algues.
 
Romain Verger, Zones sensibles, Quidam éditeur, 2006, p. 52.
 
J’ai revu le docteur Alpheus. Il me félicite. Que de progrès rapides j’ai accomplis ! Avec quelle facilité mon corps se fait, se défait et se refait ! Il paraît que certains résistent, d’une résistance organique. Et malgré leur bonne volonté, les résultats resteront limités. Il m’examine : je peux maintenant embrasser mes orteils, tresser mes bras, me tirer la peau de la nuque et des épaules, en couvrir ma tête comme d’une capuche. Le meilleur des yogis ferait pâle figure face à moi. Le docteur Alpheus me dit que je suis mûr.
 
Romain Verger, Zones sensibles, Quidam éditeur, 2006, p. 71-72.
 
Un professeur de français qui souffre du dos dans le train qui l’emmène à son collège de banlieue, ça fait beaucoup de zones sensibles. Celles auxquelles trop vite on pense cèdent la place aux autres, dans le dos de Romain – car c’est aussi, glissé comme par inadvertance, le prénom du narrateur – qui nous emmène, tenus que nous sommes d’une main discrète mais ferme, d’une réalité à l’autre. Un glissement naturel nous fait passer d’une autobiographie probable assez exacerbée au cauchemar tranquille et consenti de ne plus (du tout) être soi.
C’est le premier livre mais le deuxième que je lis de cet auteur aux titres doublement doubles comme son nom : Zones sensibles, Grande Ourse, Verger, Romain ; deux mots, substantif et adjectif, deux sens possibles, et chaque fois cette apparente réalité qui en cache une autre, inouïe, peu à peu avec stupeur découverte dans le détail des corps. Se peut-il que, comme le corps aussi, le nom que l’on porte joue son rôle dans l’écriture ?
Romain, l’auteur, tient son blog mystérieux (dans les deux sens de la phrase) ; c’est Membrane, allez-y sur la pointe des pieds.


Commentaires

Et mer... !
Commentaire n°1 posté par Anna de Sandre le 30/03/2010 à 09h08
N'est-ce pas ?
Réponse de PhA le 30/03/2010 à 09h27
(Je n'ai pas tout lu.) Je m'atttendais à un reportage complet sur le Salon du livre. Las! Je n'ai vu que Jospin à la télé : "qu'est-ce que vous faites (dans la vie)?" ... Ce blog Membrane, en revanche, est superbe... et mystérieux. Rassurez-vous, j'avais enlevé mes chaussures avant d'entrer!

Commentaire n°2 posté par Depluloin le 30/03/2010 à 10h12
Un reportage complet sur le Salon du Livre ? Enfin, Depluloin ; comment pourrait-il y avoir un reportage complet sur le Salon du Livre alors que ma dédicace n'a lieu que ce soir ?

Le blog est très beau et les livres aussi, d'ailleurs Grande Ourse est l'un des deux titres qui m'ont convaincu de proposer mon travail à Quidam.
Réponse de PhA le 30/03/2010 à 11h03
Le dos, comme la mer, qui se retire.

Bonne dédicace.
Commentaire n°3 posté par Gilbert Pinna, le blog graphique le 30/03/2010 à 12h20
Merci !
Réponse de PhA le 31/03/2010 à 10h28
Décidément, les éditions Quidam sont très douées pour publier des pépites...
(Heureux de vous retrouver.)
Commentaire n°4 posté par Chr.Borhen le 30/03/2010 à 18h00
Je trouve aussi - même si je suis mal placé pour renchérir.
(Réciproquement.)
Réponse de PhA le 31/03/2010 à 10h29
Je certifierai demain matin que je vous ai bien vu au Salon cet après-midi - deux photos (à défaut de la vidéo qui a capoté) en feront foi - et que vous me dédicaçates sans vous faire prier ce Liquide tranvasé précieusement de mon sac à dos dans vos mains.
Commentaire n°5 posté par Dominique Hasselmann le 30/03/2010 à 23h14
Sans me faire prier et avec plaisir !
Réponse de PhA le 31/03/2010 à 10h34
 
 

dimanche 21 mars 2010

le parfum des urnes


Vous trouvez pas
que ça sent bizarre ?
(Bon, je sais... mais ça fait du bien !)


Commentaires

Oh oui, ça fait du bien. On verra à huit heures ce soir !
Commentaire n°1 posté par dominique boudou le 21/03/2010 à 18h13
Au début j'avais eu l'idée d'un petit poème sur les urnes, mais les seules rimes qui me venaient c'était "vider sa turne", "casser les burnes"... Pourtant en principe je suis plutôt quelqu'un de poli. Ce gars-là est contagieux.
Réponse de PhA le 21/03/2010 à 18h24
Va falloir que je songe à mettre de la tune de côté... se dit-il!
(moi je mise sur du Liquide)
Cà sent le siège éjectable?
Mais méfiions-nous des pronostics pour 2012... du Liquide va couler sous les ponts d'ici là. 
Commentaire n°2 posté par Ambre le 21/03/2010 à 19h21
Oh oui, c'est juste de la réjouissance à court terme !
Réponse de PhA le 21/03/2010 à 22h29
Qui est ce monsieur? Il a l'air inquiet.
Commentaire n°3 posté par Depluloin le 21/03/2010 à 19h31
Quelqu'un qui cherche d'où le vent. Il faut le lui dire : c'est celui du boulet.
Réponse de PhA le 21/03/2010 à 22h32
Il a un nez de fourmilier : aïe ! J'ai fait de l'animalisation !!! Je mérite quinze années de prison...
Je regarde dans mon "Petit Robert" : ouf ! Cela n'a rien à voir, la comparaison est impossible, je suis sauvé :
"Mammifère primitif d'Amérique (édentés) qui chasse dans les tunnels des fourmilières avec sa longue langue gluante. Grand foumilier. => tamanoir."
Commentaire n°4 posté par Dominique Hasselmann le 24/03/2010 à 19h40
Ne dites pas de mal des fourmiliers, je vous prie ; comme les mustélidés, je veille sur eux !
Réponse de PhA le 24/03/2010 à 19h52

mercredi 17 mars 2010

deux paires de jumelles (au moins)

Picq appela. Picq attendit. Pas un bruit de pas ni de porte. Pas une voix, pas un moteur. Pas même un pépiement, tellement il faisait froid. Se pouvait-il que le gardien eût fermé à clé par erreur en quittant son service ? Que l’« hôte d’accueil » fût empê­ché ? Qu’on l’eût complètement oublié ? Dans l’art de se faire oublier Picq était passé maître. Qu’on l’oubliât le libérait pour ses activités. Mais pas en emportant la clé. Il alla chercher au fond de sa petite sacoche son téléphone portable. La batterie s’était épui­sée dans la nuit, et il n’avait, bien entendu, pas pensé à prendre un chargeur. Pris de panique, il fit un bond vers la fenêtre, tourna sa poignée, se figea. Une minuscule serrure ne donnant que dehors, à peine visible quand on se penchait du dedans, suffisait à bloquer l’huisserie. Il chercha des veux un corps lourd pour fracasser la vitre, mais il nota que les barreaux dont il avait trouvé jolie l’ombre sur le plancher ne laisseraient passer que son bras. En brisant un carreau il échangerait une vague chance de se faire entendre contre la certitude de geler. Il appela de nouveau, cria plus fort. Pesta et se désespéra. Pissa de rage dans l’évier. Passa plusieurs fois en deux heures par trois ou quatre états, tous pénibles. Puis se prostra. Le silence du fort l’aplatit sur le lit. Il est possible qu’il se soit un peu rendormi.
 
Ce devait être l’heure du déjeuner. Une voix forte associée à aucun visage connu, accom­pagnée d’aucun toc-toc, et de sexe indéter­miné, annonça en effet « Déjeuner ! ». Sau­tant du lit, Picq entama une phrase qu’il voulait ironique pour expliquer ce qui l’empêchait d’ouvrir. Sur le mot clé l’inter­rompit un bruit de verrou. Une femme haute et large, fichu blanc noué derrière la tête, apparut dans l’encadrement, qui la contenait à peine. De la buée lui sortait des narines. Malgré le gel, elle n’était vêtue que d’une robe à manches courtes qui frôlait ses genoux ; ses mollets étaient nus. Elle tenait un plateau. Picq eut vite fait de renoncer à l’accueillir en sauveuse. Instinctivement il prit sa posture de fuite. Mais la cause même de son sursaut le retint de plonger dans l’entre­bâillement de la porte, mollement repoussée par le pied de la géante. Les rangers qu’elle chaussait devaient être du quarante-cinq, cependant sa carrure n’était pas ce qui en imposait le plus. Elle portait en bandoulière une arme à répétition élimée qui avait tout l’air d’un fusil d’assaut AK47.
 
Pierre Alferi, Les Jumelles, p. 20 à 23, P.O.L, 2009.
 
Ça commence très fort, et ce n’est rien comparé à la suite. Tout ce que j’aime : remise en question de ce qu’on voit – les jumelles servent à ça, deux fois : celles trouvées dans la chambre à travers lesquelles Picq passe la nuit à observer tout le cosmos ; celles qui, geôlières jumelles peut-être, le séquestrent. Remise en question de ce qu’aura vécu Picq, de ce qui se sera passé – ou peut-être pas – à Paris durant ce week-end de Pâques 2009. Picq lui-même est-il le révolutionnaire qu’il croit être ? Remise en question de ce qu’on lit aussi : ce roman n’est-il pas plutôt un poème (alternant avec les journées, le cosmos observé la nuit est en vers) ? Et son sujet ? Est-il un ? Et tout ça qui plus est d’une lisibilité limpide. Merveilleuses jumelles !
La page sur le site de P.O.L (on peut y lire les premières pages, ainsi qu’une critique d’Isabelle Rüf), et le commentaire de Sitaudis.
 
(Merci Didier – car c’est toi, si je me souviens bien, qui m’a donné envie de lire Pierre Alferi.)
 
PS : De Pierre Alferi, on peut lire en ce moment même lire son roman-feuilleton Kiwi, chaque lundi, sur Sitaudis


Commentaires

(Amusant, Didier m'a également conseillé ces Jumelles. Et ça a l'air en effet formidable.)
Commentaire n°1 posté par François Matton le 17/03/2010 à 22h15
A moi il m'avait juste dit Pierre Alferi, et je suis tombé sur ces Jumelles. Un délice !
Réponse de PhA le 17/03/2010 à 22h20
Je connais davantage ses poèmes (fortiches, si je puis me permettre).
Et Sentimentale journée, en "prose", sans cesse surprenant.
Commentaire n°2 posté par François Matton le 17/03/2010 à 22h24
Je vois à travers ses Jumellesque je ne vais pas en rester là non plus.
Réponse de PhA le 17/03/2010 à 22h28
Mais oui c'est formidable Alferi ! (D'ailleurs je citais Les jumelles au tout début d'Halte là, voir ici). Il faut que tu lises Le cinéma des familles, ambitieux roman-hommage à La Nuit du chasseur, c'est épatant.
Commentaire n°3 posté par Didier da le 18/03/2010 à 08h56
Tiens, Didier ! J'étais justement en train de mettre en commentaire un addenda nocturne à ce billet.
Je n'ai vu qu'après lecture que tu en avais parlé aussi sur Halte là, je devais rêver encore ce jour-là. Je note d'autant plus le Cinéma des familles (car la Nuit du chasseur, évidemment...)
Réponse de PhA le 18/03/2010 à 09h08
Et voilà que j'en ai rêvé cette nuit ! J'ai vu des photos de la chambre de Picq, et je revois nettement l'immense dos de Marthe penchée sur lui pendant qu'il est supposé manger le merveilleux plat qu'elle lui a cuisiné ("supposé" car c'est à peine si on devine Picq caché par elle) - et je me posais la question de l'intérêt de ces photos.
(Ce n'est pas la première fois que je rêve de ce que je lis. Je me souviens notamment d'Il y a de, de Gabriel Bergounioux. A chaque fois, en tout cas, le rêve est bon signe.)
Commentaire n°4 posté par PhA le 18/03/2010 à 09h01
Et un Alféri, un, pour la table du 7 crie le garçon!
(la table du 7 c'est moi)
Mais comment vais-je faire pour lire tout ce que vous me donnez tous envie de lire?
(Super Mario au secours... j'ai besoin d'un deuxième cerveau)
Commentaire n°5 posté par Ambre le 18/03/2010 à 11h01
Le coupable, c'est Didier (qui doit pouvoir dire : le coupable, c'est... et de coupable en coupable, on remonte comme ça jusqu'à l'auteur - du péché originel).
Réponse de PhA le 18/03/2010 à 14h15

samedi 13 mars 2010

loucher rend louche

Encore un long billet que les paresseux ne vont pas lire. Pas grave : ce n’est pas moi qui l’écris, je ne fais que citer. Deux extraits, parce que dans Un homme louche, il y a deux cahiers : le journal de Jean-Daniel Dugommier à quatorze ans, le journal du même vingt-cinq ans plus tard. Si j’ai le courage, je rajoute un petit mot à la fin.
 
 
Ma mère est à la cuisine, elle se ressert un énième café. Son cœur va finir par exploser. Je peux voir circuler le sang dans ses yeux. Les drogués à la caféine sont têtus. Si j’étais vieux, je dirais toujours : « Ce n’est pas en poussant le moteur qu’on sait quelle direction prendre. »
Je me rends compte que je vis hors de mon âge.
Marise attrape sa tasse posée sur le rebord de la table, l’anime dans sa main qui la lâche, comme effrayée par l’anse. La tasse explose par terre et répand son liquide noir encore bouillant.
Je me suis brûlée, dit-elle, et je sais qu’elle pense déjà à la prochaine tasse. Les accros ont toujours la drogue en point de mire.
Ma mère se penche et essuie.
Et merde ! gueule-t-elle enfin, comme si elle venait de comprendre qu’elle a fait une connerie.
Je ne dis rien mais je n’en pense pas moins (encore un truc de vieux).
Bon ben, se dit-elle encore à elle-même, maintenant c’est cassé. Et elle jette les bouts de tasse dans la poubelle.
Emma est dans sa chambre. Elle s’examine :
J’ai un drôle de petit cul quand même, se dit-elle. Pas mal. J’ai un drôle de petit cul.
 
François Beaune, Un homme louche, cahier I, p. 91-92.
 
Vendredi
Besoin d’action. Découvrant ma pile de linge sale, décide d’organiser à la hâte une nouvelle Expérience de Dédoublement de Personnalité au lavomatic.
Le 24/24 est presque vide. Un jeune homme me précède de quelques pas, à peu près de ma taille. Je choisis la machine 7 et lentement m’approche du distributeur de lessive. Lui a de la lessive liquide et, quand je feins de chercher de la monnaie dans ma poche, la machine 9 a entamé son cycle. Il me dit poliment au revoir et sort du lavomatic.
Quelques instants plus tard, je force la porte de la machine 9. Je fais bien attention de ne laisser aucune trace visible de l’effraction. Je vide la machine, mets mes habits à la place des siens, et referme la poignée, ce qui relance tranquillement le cycle jusqu’à essorage. Mon sac est plein de ses affaires humides. Je me remets en tête le jeune homme, ses traits fins, son visage triste, son charme lunaire. Il dégageait quelque chose d’attirant. Je quitte le magasin. Mes anciens habits tournent dans la machine. (…)
Passer les habits d’un autre procure un rare plaisir. Il faut bien sûr un temps d’adaptation à son nouveau soi : élaborer de nouvelles manières de vivre, un nouvel emploi du temps, imaginer de nouvelles activités.
Les affaires du jazzman sèchent patiemment dans le séjour. Je n’avais pas écouté de musique depuis plusieurs. mois à cause de l’acouphène. La chaîne joue en ce moment ­Africa/Brass de John Coltrane. J’ai envie d’un whisky. Demain je m’achète des clarks. Les mêmes que lui. Je me rappelle bien le modèle. J’ai eu des clarks il y a longtemps : des chaussures de félin, de silence, tout à fait ce qu’il me faut
 
Note : Après quelques jours de dédoublement, quand ­vous en aurez assez de l’homme que vous portez, rien ne ­vous empêche d’échanger son linge contre un nouveau linge. Recyclez l’identité et choisissez quelqu’un si possible de très différent, afin de créer une rupture avec l’identité précédente.
Si vous sentez que le jeu vous dépasse et que votre être est en train de se perdre, ne jetez pas pour autant à la hâte les vêtements à la poubelle. Accrochez-les à des cintres, dispersez-les dans la ville, et observez le processus de récupération naturel. Ainsi l’ancienne identité, morcelée, s’éparpillera en une multitude de mains inconnues, ce qui aura sur vous un effet apaisant.­
 
François Beaune, Un homme louche, cahier II, p. 278 à 281, Verticales, 2009.
 
 
Un homme louche, c’est un homme louche, parce qu’il louche. Entendez par-là une manière de regarder le monde. Notamment ce que Jean-Daniel Dugommier appelle la sous-réalité. Ce que ne voit pas celui qui ne louche pas – et pourtant c’est sous ses yeux. Jusqu’à être soi-même sous-réel – bien sûr. C’est donc une tragédie de la relation de l’homme au monde, où l’humour est aussi une courtoisie faite au lecteur. C’est bien dans les hublots, quoi. 



Commentaires

J'aime beaucoup, à 14 et à 39!
(je pense être une femme louche)
Commentaire n°1 posté par Ambre le 13/03/2010 à 22h07
Oui, moi aussi. Le hasard fait bien les choses : j'ai croisé François Beaune à la Fête de l'Huma puis à la soirée chez Atout-Livre ; c'est là que j'ai eu envie de lire son livre. Je serais peut-être passé à côté sans ça, ç'aurait été dommage.
Réponse de PhA le 13/03/2010 à 22h22
Vais-je commenter ? Non, vous saluer, oui, vous signaler ainsi que je viens roder derière vos hublots. Eh bien il s'en passe de belles
Commentaire n°2 posté par Zoë le 13/03/2010 à 22h10
Tiens, Zoë ! On évite le zoo ? C'est louche. (Ne vous formalisez pas : il m'arrive d'écrire à peu près n'importe quoi, pour voir.)
Réponse de PhA le 13/03/2010 à 22h20
Mais c'est génial! il faut que je lise ça! le coup du journal vingt ans après (tiens, comme les mousquetaires, qui eux ne changent pas)... peut-être que si la mode revient, il se retrouvera? et cette expression "se retrouver"... c'est louche!
Commentaire n°3 posté par Aléna le 13/03/2010 à 22h59
Eh bien bonne lecture !
Réponse de PhA le 14/03/2010 à 10h48
ça va donner des idées aux spécialistes du recyclage !
Quand on louche, on rétrécit son chant de vision et le monde se superpose à lui-même laissant traîner ses volutes floues dans l'esprit du loucheur.
Les idées claires ne sont alors qu'une pure astraction inventée pour les autres ...
Intéressant, ce texte, j'en louche encore !
Commentaire n°4 posté par Saravati le 14/03/2010 à 11h47
Et on voit autre chose. Enfant, j'avais un copain daltonien, qui ne voyait pas les couleurs comme moi. Je n'arrivais pas être sûr d'"avoir raison".
Réponse de PhA le 14/03/2010 à 12h20
La vie dense, mousseuse et tourmentée,
la grande vie essoreuse et son roulement liquide
derrière le hublot du lavo-matic.
Commentaire n°5 posté par Gilbert Pinna, le blog graphique le 14/03/2010 à 12h16
Mais bien sûr ! Comment n'y ai-je pas pensé ? Merci Gilbert, je change l'image. C'est bien mieux !
Réponse de PhA le 14/03/2010 à 12h36
à l'heure qu'il est le hublot est toujours en vacances
bien que paresseux j'ai tout séché d'un trait
pas essoré du tout
plutôt rapicolé 
Commentaire n°6 posté par albin le 14/03/2010 à 15h03
Rapicolé, je ne connaissais pas ; c'est joli !
Réponse de PhA le 14/03/2010 à 18h07

mercredi 10 mars 2010

soirée B.S. Johnson à l'Attrape-Cœurs

http://image.guardian.co.uk/sys-images/Arts/Arts_/Pictures/2008/04/10/bsjohnson460.jpg
Quidam Editeur et la librairie L'Attrape-Cœurs vous invitent à
une soirée autour de B.S. Johnson et son œuvre avec la participation de Vanessa Guignery (traductrice de la biographie de Jonathan Coe, B.S. Johnson, histoire d'un éléphant fougueux, Quidam 2010) et Pascal Arnaud (directeur littéraire de Quidam Editeur) le vendredi 12 mars à 20 heures à la librairie L'Attrape-Cœurs (4, place Constantin Pecqueur - 75018 Paris)

(Et votre hôte vous rappelle que le Matricule des Anges de mars consacre son dossier à cet auteur hors du commun - ici avec ses Malchanceux à la main -, trop tôt disparu, et dont j'ai déjà souvent parlé ; jetez donc un coup d'oeil par le hublot droit - en bas à gauche bien sûr.)



Commentaires

Par le hublot de Monsieur le Comte?
Ah, ce serait l'occasion d'acheter ces malchanceux! Je me tâte...
Commentaire n°1 posté par Depluloin le 10/03/2010 à 19h24
Pas du tout, vous êtes ici face au hublog à lectures, mon cher Depluloin. Ce n'est pas parce que j'ouvre un nouveau hublot que je ferme tous les autres. Où irions-nous dans cette pénombre ?
(Les Malchanceux, un livre à la fois novateur et terriblement humain. N'y a pas que moi qui le dis.)
Réponse de PhA le 10/03/2010 à 19h33
Ben moi je trouve que prévenir deux jours à l'avance d'une soirée fantastique c'est trop juste, na!
Imaginez qu'un(e) lecteur(trice) soit justement en escapade à Paris, qu'il n'a pas d'Internet pour suivre vos programmes, tsss, il ne saurait même pas qu'il y a cet événement. Alors que, si vous l'aviez annoncé au moins huit, di jours à l'avance, ben, il l'aurait noté dans son programme d'escapade enrichissante, na et na!
(hein? je plombe l'ambiance?)
Commentaire n°2 posté par Ambre le 10/03/2010 à 22h02
Vous avez raison - et je suis innocent : je ne peux diffuser que lorsque je suis au courant.
Réponse de PhA le 10/03/2010 à 22h06
A noter, sauf contre-ordre de dernière minute ou de coercition.
Commentaire n°3 posté par Dominique Hasselmann le 11/03/2010 à 16h49
Je pense que ça vaudra le déplacement. Pour la lecture, c'est une certitude.
Réponse de PhA le 11/03/2010 à 19h03

dimanche 7 mars 2010

j’ai des super-pouvoirs

« J’ai enfin tous les pouvoirs dont j’ai toujours rêvé ! » C’est ce que disait le Vengeur d’Argent, ou le Casse-cou Volant, je ne sais plus, en surgissant de l’ombre d’un laboratoire en ruines sur un cahier d’écolier petit format, CM2 ou sixième, je ne sais plus, ça commence à dater – de l’époque où j’hésitais encore entre la littérature et la bande dessinée. (Si j’ai vite renoncé à celle-ci, c’est aussi par facilité ; un peu comme un coureur à pied aurait renoncé à une carrière de cycliste parce qu’il faut gonfler les pneus.)
N’empêche : j’ai vraiment des super-pouvoirs. La preuve : j’ai encore ressuscité le poisson rouge. Il était mort, une fois de plus, il flottait à la surface, le ventre en l’air, immobile. Les chats ont neuf vies, je soupçonne les poissons d’en avoir 81. Celui-là, depuis six ou sept ans qu’il est à la maison, doit en être à sa troisième ou quatrième résurrection, je ne les compte plus. J’ai pris le coup de main. Je prends délicatement mon poisson entre mes doigts, complètement inerte, aucun mouvement de la bouche ou des ouïes, ne parlons pas des nageoires ; je le remets à l’endroit, je le tiens : aucune réaction. Il était encore plus mort que la dernière fois. Je ne le lâche pas pour autant, il me reste une main, tiens, et le téléphone n’est pas loin, on peut faire plusieurs choses à la fois ; et tout en discutant je vois la bouche de mon poisson qui commence à s’ouvrir et à se fermer, très faiblement, puis de moins en moins, et… je vous passe la suite, même scénario que la dernière fois, la bestiole est repartie pour un tour de bocal.
Je vous le dis : j’ai des super-pouvoirs. J’en ai même deux : car non seulement je ressuscite les poissons rouges, mais j’ai aussi la prescience des crottes de pigeon. Un peu comme Spiderman. Ce n’est arrivé qu’une fois, mais tout même. C’est resté aussi dans la mémoire de M, qui peut témoigner. C’était à la Gare Saint-Lazare, ou la Gare de l’Est, je ne sais plus ; nous marchions côte à côte, d’un bon pas et, d’un coup, sans raison apparente, je m’arrête brusquement. M se tourne vers moi, étonnée : une crotte de pigeon, passée à cinq centimètres de mon nez, venait de s’écraser entre mes pieds. Oui madame. D’ailleurs, depuis ce jour, les oiseaux n’essaient plus de me faire caca dessus, par crainte du ridicule.
Tiens, maintenant que j’y pense, je me rends compte que mon poisson n’est pas tout à fait innocent dans la petite farce que je viens de faire à Frédéric Forte, le poète public. (Pas pu m’empêcher. Le sérieux me fait sérieusement défaut. J’ai été tout de suite découvert, d’ailleurs. Les poètes sont tous plus ou moins détectives, je devrais être plus prudent.) Au départ, c’est le fiston qui, je ne sais pourquoi, cherchait une image de poisson fluo. Il croise les doigts, fluo devient flou, et le voilà tout étonné qui tombe sur son propre poisson, pêché par ses soins lors d’une pêche aux canards. Et d’inaugurer le jeu des requêtes improbables menant au blog à Papa. Par exemple, pour aller chez Frédéric Forte, vous pouvez taper « extase dans une église d’un banquier en bikini », ça marche ; ou encore, plus honnêtement : « rechercher les mots-clef pour faire des farces au poète public ». Mais on doit pouvoir faire bien mieux, en voyant les choses en grand – d’ailleurs Frédéric y songe.

Commentaires

Vous ressuscitez les poissons, les oiseaux vous bénissent, les hublots frétillent à votre approche ... Moi, je dis chapeau, chapeau bas... et de me prosterner.
Commentaire n°1 posté par Gilbert Pinna, le blog graphique le 07/03/2010 à 20h02
Oh, tout de même, mes pouvoirs sont limités. Les poissons, par exemple, je ne fais que les ressusciter ; je suis incapable de les multiplier.
Réponse de PhA le 07/03/2010 à 20h49
pour multiplier les poissons il faut déjà les couper pour le partage, or, les poissons sont très chatouilleux aux nageoires. Donc, pas de regret
Commentaire n°2 posté par petite racine le 07/03/2010 à 21h35
Cet article me donne à réfléchir. Quels sont les mots clé qui conduisent sous mon arbre. Je ne sais pas mener les enquêtes statistiques que votre poète ami s'évertue à mener à bien, aussi vais-je tenter un post uniquement constitué de mots clés improbables. Merci pour l'idée.
Questions cependant : je n'ai pas compris, votre poisson rouge, vous le massez in or out du bocal ?  Ne feint-il pas la mort pour susciter votre attention ? Lui parlez-vous suffisamment et en quelle langue?
Commentaire n°3 posté par Zoë le 07/03/2010 à 21h44
D'abord dans le moule à cake, évidemment ; puis, quand il a repris des couleurs, dans le bocal.
Je le crois assez roué, en effet, mais s'il simule, quel talent !
Réponse de PhA le 07/03/2010 à 22h17
Dire que j'ai failli, moi aussi, en ramener un de la fête foraine (ouf! car je n'ai pas ce talent, je me contente de savoir mourir).
Mais prenez garde car je me demande si, ainsi réssuscité, sa mémiure ne déteint pas sur la vôtre : combien de fois avez-vous dit "je ne m'en souviens plus"? Pourvu que demain vous ne preniez pas une couleur fluo... ou floue (puisque la visibilité est mauvaise)
Commentaire n°4 posté par Aléna le 07/03/2010 à 21h47
Oh ! ma mémoire, n'en parlons pas ! Je me souviens de tant de choses que je n'ai pas vécues - ou peut-être si, qui sait...
Réponse de PhA le 07/03/2010 à 22h13
"mémoire" bien sûr!
Commentaire n°5 posté par Aléna le 07/03/2010 à 21h48
ah! eh bien c'est ça de relier ses possibles : on finit par se souvenir des choses qu'on n'a pas vécues!
Commentaire n°6 posté par Aléna le 07/03/2010 à 22h51
- et par y croire !
Réponse de PhA le 08/03/2010 à 08h50
Cessez de réveiller les poissons qui dorment Philippe!! Car les poissons dorment sur le dos, c'est bien connu! Mais soit, je vous laisse à vos rêves de super-pouvoirs! :)
Commentaire n°7 posté par Depluloin le 08/03/2010 à 12h27
Et la crotte de pigeon ? Hein ? Comment expliquez-vous la crotte de pigeon ?
Réponse de PhA le 08/03/2010 à 19h23
Les écrivains adorent les chats (ou plutôt ce sont les chats qui aiment les écrivains) mais les poissons d'aquarium c'est nouveau çà ? Après tout ce sont peut-être des poissons-chats!
Commentaire n°8 posté par Ambre le 08/03/2010 à 16h26
Le chat est un animal propre et silencieux. Le poisson est encore plus silencieux, et sa toilette est sans fin ; donc le poisson est encore plus chat que le chat. D'ailleurs - l'aviez-vous remarqué ? - le mien est angora : admirez sa queue en panache.
Réponse de PhA le 08/03/2010 à 19h27
lire dans ma vie - un autre super-pouvoir à votre actif - hier j'ai fait la carpe devant la fenêtre, et la neige qui tombait derrière, pendant que mes garçons regardaient Spiderman. Je suis soufflée !
Commentaire n°9 posté par Juliette Mézenc le 08/03/2010 à 17h02
Pour lire dans votre vie, j'ai ma boule de cristal :
Réponse de PhA le 08/03/2010 à 19h36
carrément espantée - vais plus oser me gratter le nez...
Commentaire n°10 posté par Juliette Mézenc le 09/03/2010 à 08h15
Et du coup j'enrichis mon vocabulaire !
Réponse de PhA le 09/03/2010 à 12h50
Commentaire n°11 posté par Hugo Strat le 13/04/2010 à 10h47
Oui ! (Hélas, je ne suis pas toujours là quand on a besoin de moi.)
Réponse de PhA le 13/04/2010 à 11h18

samedi 6 mars 2010

j’aime les Anges

D’ailleurs ça doit bien faire dix ans que je lis régulièrement leur Matricule. Au début, je l’achetais chez Carrefour ; j’aimais bien cette incongruité. Et puis je ne l’y ai plus trouvé, alors je me suis abonné et je ne suis plus allé à Carrefour. (C’était bien avant ce grand plaisir- (sans parler de celui-ci).) En tant que lecteur, sur ces dix dernières années, c’est sans doute aux Anges que je dois le plus de découvertes. Si j’étais courageux, je prendrais par exemple la petite liste qu’on aperçoit par le hublot droit, en bas à gauche de votre écran, et je me poserais la question pour chaque nom ; mais non, c’est devenu trop difficile, la mémoire est ingrate et trop souvent le premier informateur discrètement s’efface.
Hier j’ai reçu le n° 111. Avec un numéro pareil, on devine que ce sera un beau numéro. Sur la couverture, droit comme un page, Jonathan Coe présente à l’objectif d’Olivier Roller un portrait de B.S. Johnson, qui tient les pages de ses Malchanceux comme un jeu de carte en éventail. Ça me fait plaisir comme si c’était moi. (D’ailleurs c’est moi, encore une fois.) Le Matricule consacre donc son dossier à B.S. Johnson (cliquez donc par le hublot droit pour savoir pourquoi ça me parle), complété par une interview de Jonathan Coe, qui s’est fait son biographe – et rien que cette idée, Jonathan Coe a écrit une biographie de B.S. Johnson, quand on la creuse, ça devrait être suffisant pour sentir qu’il y a là quelque chose d’important, surtout quand on a assisté à la soirée au Reid Hall, d’autant plus quand on aura lu l’interview d’Etienne Leterrier dans le Matricule. (D’ailleurs qu’est-ce que j’attends au fait ? Pour ma part, peut-être d’avoir lu encore un Johnson de plus.)
Tiens, et puis – je change de sujet, mais pas de numéro – il y a un article sur Olimpia, de Céline Minard. Et aussi un sur Férié, de David Lespiau. Ça me fait penser que j’ai oublié de dire un mot sur cette collection les Grands soirs, des Petits matins. N’ai lu que trois titres sur les dix-huit de la collection, mais à chaque fois, grand plaisir, plaisir d’autre chose (le premier c’était la Blondeur de Cécile Mainardi, avant ces Hublots ; le dernier c’est l’époustouflant New York. Trois machines d’amour à mort de Ludovic Bablon). Tiens, je suis drôlement en avance dans mes lectures, dirait-on ; ça n’est pas dans mes habitudes – j’ai dû prendre du retard ailleurs : les lecteurs attentifs de la Vie des hauts plateaux savent que j’ai souvent quarante ans de retard – sans le faire exprès.
Vous avez vu comme le ciel est bleu ?


Commentaires

Le MDA est en effet un chouette magazine!
En revenant en arrière au Reid Hall je vois (cliquer sur l'invitation pour agrandir).
(Y a pas un endoit où on peut cliquer pour avoir une invitation pour le salon du livre;o)? parce que déjà payer le train, l'hôtel, acheter des bouquins, si en plus faut payer son entrée, hein!)(°_°)
Commentaire n°1 posté par Ambre le 06/03/2010 à 14h20
C'est vrai que payer l'entrée, je n'aimerais pas non plus. Hélas, je n'ai pas de tuyaux. D'ailleurs je connais mal le Salon du Livre : je n'y suis allé qu'une seule fois, l'an dernier.
Réponse de PhA le 06/03/2010 à 19h25
Après tout, il n'y a pas de honte à se faire avoir, si je puis dire, par un vendeur de votre talent! Donc, je ne résiste plus : j'achète, je m'abonne, les yeux fermés. D'ailleurs, cela ne m'a pas si mal réussi jusqu'ici! ;)
Commentaire n°2 posté par Depluloin le 06/03/2010 à 17h48
C'est vrai que je ferais un bon camelot. Si un jour j'ai envie de changer de carrière, à moi la fortune !
Réponse de PhA le 06/03/2010 à 19h27
Coïncidence! moi aussi j'aime les anges, le même jour que vous.
Coïncidence mise à part, c'est vrai que c'est bien.
Commentaire n°3 posté par Aléna le 07/03/2010 à 13h45
Je suis plongé dans le dossier BSJ - ça me parle.
Réponse de PhA le 07/03/2010 à 17h45
pardonnez mon inculture crasse... c'est quoi BSJ?
Commentaire n°4 posté par Aléna le 07/03/2010 à 21h50
Et pardonnez-moi ma paresse : Bryan Stanley Johnson !
Réponse de PhA le 07/03/2010 à 22h10
C'est mon magazine préféré. Ils avaient fait un chouette article pour votre Liquide je me souviens.
Commentaire n°5 posté par Anna de Sandre le 07/03/2010 à 22h37
Oui, et déjà pour Chroniques. Les deux fois c'était  très émouvant de le recevoir en abonné.
Réponse de PhA le 08/03/2010 à 08h49
 

vendredi 5 mars 2010

Sous le manteau (Inaltérable ciel, logis de nos idées)

Si vous ne me voyez pas derrière mes hublots, c’est qu’à l’occasion des vases communicants j’ai pris racine chez Cécile Portier. Mon premier Contact avec son travail, c’était bien avant mes Hublots et sa Petite Racine, quand paraissait son premier livre, dans la collection Déplacements des éditions du Seuil. Beau souvenir.
 
J’ai un très beau manteau noir. En peau, long, même très long, lourd sur les épaules, et le col, fausse fourrure, qui se rabat sur le cou quand la bise souffle, en un embrassement qui ne trompe pas : ce manteau est amoureux. Je me sais une démarche souveraine dans ce très long lourd manteau noir, je me sais mystérieuse en hiver, entourée de peaux impeccablement noires et opaques et douces. Je me vois, les autres surtout doivent voir cette silhouette, frêle et majestueuse pourtant, furtive et lente pourtant, amarrée seulement à mon propre rythme.
Protectrice du froid lui-même.
J’ai un très beau manteau noir. Il est vrai cependant qu’il est un peu lustré au bord des manches. Et qu’un bouton s’en est allé, il y a déjà quelque temps. Il est vrai aussi (pourquoi le cacher) que l’autre soir il pleuvait dru, et que je l’ai porté ainsi, sans parapluie. Or mon manteau est fait pour le froid. Sous l’eau il souffre, déteint en couleur rouge - On aurait dit du sang sur ma jupe. Aujourd’hui sa couleur est plus pâle à certains endroits, pour qui y prête attention. Et puis ces quelques pièces de monnaies enfuies par un trou de la doublure au fond gauche du manteau lui donnent un poids distinct de ce côté-là, si bien que mon manteau, peut-être, de loin, semble se déhancher, claudiquer même, pour qui a la moquerie facile. Je le remets droit alors, mais c’est toute la peau qui a joué, comme un grand corps courbatu qui compense la douleur en se tordant d’avantage : en le remontant comme cela, je le dessers, et me voilà avec une épaule haussée. Intérieurement je marche beau mais si un miroir, ou une vitrine, me surprenait à cet instant, il croirait à une disgrâce quelconque, non pas un pied bot, certainement beaucoup moins, mais quelque chose quand même, un handicap n’ayons pas peur des mots, une maladie qui rend le geste raide et gauche. Un miroir me voyant marcher à cet instant, certainement, s’apitoierait. Et cette couture lâchée dans le cuir, au niveau de la manche droite. Et cette autre encore, celle du dos, distendue elle aussi, montrant, rouge comme un vit de chien excité, le fil d’une réparation précédente un peu trop hâtive : ce n’est pas convenable. Il faudrait reprendre cela, ainsi que le trou dans la doublure de la poche gauche, et puis d’ailleurs toute la doublure est mitée depuis longtemps.
N’empêche, j’ai une très belle idée de manteau noir, qui ne vieillit pas et m’accompagne en hiver.



Commentaires

Belle idée d'un manteau de majesté pour emmitoufler nos pudeurs.
Commentaire n°1 posté par kouki le 05/03/2010 à 08h34
PhA alors !
Philippe Annocque n'est pas fez lui...
A la place il y a un vieux dégoutant qui fait rien qu'à vouloir ouvrir son manteau partout dans la rue devant les devantures de magasins !
RrrroohhhHHH!!! dirait un ami
... C'est dommage parce que le texte est bien
mais je regrette de rappeler que
à la racine des choses
le manteau de l'hivers est BLANC
et non NOIR.
ça saute aux yeux pourtant !
.
(@petite racine : Je me réjouis d'un prochain vase en ta compagnie).
Commentaire n°2 posté par L.....................................uC le 05/03/2010 à 08h49
Manteau de la nuit ou de la mer, nuit du manteau et coups de marteau en cauchemar où filent les nuages écrits...
Commentaire n°3 posté par Dominique Hasselmann le 05/03/2010 à 09h54
Bel extrait de Déplacements dans votre Beau souvenir...

(la serpillère est le dernier tissu à la mode pour s'habiller;o))
Commentaire n°4 posté par Ambre le 05/03/2010 à 12h28
Intérieurement je marche beau ... et le manteau très beau et noir qui vous couvre, vous expose, vous délivre, vous magnifie, qui vous trahit, vous démaquille, vous réchauffe, vous déshabille, ce manteau noir, décousu et percé, très beau, le voici, je le crois bien :
http://gilbertpinnalebloggraphique.over-blog.com/article-la-dame-au-sac-39821310.html
Commentaire n°5 posté par Gilbert Pinna, le blog graphique le 05/03/2010 à 16h22
"Réussir un si beau manteau sur un fille aussi mal foutue!" (d'après Fernand Reynaud) Pardon Cécile (si vous permettez) pour cette référence triviale et ô combien irrévérencieuse!! Mais ce texte m'a enchanté à ce point. Il est assez différent de ce que j'ai lu de vous, en plus. Et puis qui, un jour, ne se reconnaitra pas vêtu du même manteau ou de la même veste!!

Commentaire n°6 posté par Depluloin le 05/03/2010 à 17h44
J'ai le même à la maison ! Est ce que je me trompe, ou sentons nous aujourd'hui chez Philippe, le parfum de la dame en noir ?
Commentaire n°7 posté par Frédérique M le 05/03/2010 à 22h03
Aujourd'hui je trouve que Depluloin et Petite Racine annocquent furieusement.
Commentaire n°8 posté par Anna de Sandre le 05/03/2010 à 22h16
texte d'une tenue impeccable avec ses quelques saillies incorrectes qui sont la marque des écritures libres, la fin est le suprême de l'élégance...
Commentaire n°9 posté par florence le 05/03/2010 à 23h25
c'est fou ce que je marche beau et c'est fou de constater comment les autres ne mle savent pas
Beaucoup aimé 
Commentaire n°10 posté par brigetoun le 06/03/2010 à 00h06
Merci à tous pour vos visites. Apparemment vous n'avez rien cassé durant mon absence, c'est bien. Et merci à Cécile d'avoir veillé sur mon petit sous-marin.
Commentaire n°11 posté par PhA le 06/03/2010 à 00h07
J'ai adoré cette "idée de manteau" ! merci et bravo
Commentaire n°12 posté par Marianne Jaeglé le 06/03/2010 à 16h06
Désolée ! Moi aussi j'ai eu un peu de mal à concilier mes images mentales de Nathalie Pagès et de Fernand Reynaud. Il n'est pas toujours bon d'avoir 46 ans de souvenirs. bises
Commentaire n°13 posté par Cécile le 07/03/2010 à 15h33
46 ans de souvenirs ? Mais c'est le nombre parfait !
Réponse de PhA le 07/03/2010 à 17h44
Philippe, merci pour ce bel accueil dans ton sous marin insubmersible. On y est bien et il ne faudrait pas que les gens croient qu'il n'y fait pas bon et que c'est la raison pour laquelle j'ai eu besoin d'enfiler cette loque. C'est juste parce que je suis coquette, sans doute.
Commentaire n°14 posté par petite racine le 07/03/2010 à 18h11
Ma chère, c'est qu'un rien vous habille.
Et merci surtout à toi, qui t'es chargée de toute la com !
Réponse de PhA le 07/03/2010 à 18h17