vendredi 30 juin 2023

court toujours (161)

– Mais bien sûr que si on peut rire de tout !

D’accord. On commence par quoi ?




(Et à ce soir chez Liragif pour Nouvelles notes sur les noms de la nature !)


jeudi 29 juin 2023

Au sujet de l’imagination et du hors sujet au brevet 2023

Abondance de hors sujet au brevet cette année pour le sujet d’imagination – et c’est bien l’imagination qui est en question. Il était pourtant fort classique, le sujet : à la suite d’une étude d’un extrait d’Histoire de ma vie de George Sand, où sont évoqués ses jeux d’enfance (une rivière imaginaire tracée à la craie dans la chambre de la narratrice qui devient un lieu formidable d’aventures), et alors même que les questions d’interprétation ont été plutôt bien comprises dans l’ensemble, on demandait aux candidats :

« Il vous est arrivé d’être pris dans un jeu qui vous a entraîné progressivement dans une aventure intense.

Vous raconterez cet épisode à la première personne.

Vous pourrez enrichir votre récit par des descriptions, l’expression des sentiments et des sensations. »

Rien que de très classique, donc ; tout le monde a déjà traité sensiblement ce même sujet (ma mémoire un peu spéciale me signale que, dans mon cas, c’était au début de la classe de cinquième, à l’automne 1975, avec Madame Germain). On imaginait que les candidats rendraient hommage à leur propre imagination, celle qui animait, celle qui anime encore leurs jeux d’enfants, ces jeux qui le plus souvent se jouent avec presque rien sinon, précisément, l’imagination. Et qu’a-t-on lu ? Des résumés plus ou moins maladroits de Jumanji (cette série de films où des ados sont précipités dans une sorte de jeu vidéo dont ils doivent parvenir à s’extraire avec les moyens fournis par le jeu). L’adaptation des jeux vidéo au cinéma donnent rarement quelque chose de bon ; l’adaptation de films en rédaction de troisième non plus. Il vaut toujours mieux travailler avec ce qu’on a en soi. L’imagination, la pratique du jeu vidéo (qu’il m’arrive de partager, les lecteurs de Vie des hauts plateaux le savent – ou le découvrent), pousse à la considérer comme quelque chose d’extérieur à soi, quelque chose qui nous est offert par la technique (on est loin du jeu des enfants pauvres). Dès lors, rien d’étonnant à ce que la phrase « Il vous est arrivé d’être pris dans un jeu qui vous a entraîné progressivement dans une aventure intense », relisons-la telle qu’elle est formulée, puisse être interprétée comme une invitation à raconter une nouvelle version de Jumanji. Hors sujet ? Ou bien sujet formulé par des concepteurs quelque peu coupés des pratiques contemporaines ? Car de l’imagination en rédaction, mes élèves de cette année (certes plus jeunes) ont bien su me montrer qu’ils n’en manquaient pas.





mercredi 28 juin 2023

Nouvelles notes chez Liragif

Vendredi à 19h, la librairie Liragif (15 square de la Mairie, à Gif-sur-Yvette) me fait le plaisir de m’inviter à l’occasion de la parution de mes Nouvelles notes sur les noms de la nature, aux éditions des Grands Champs.



mardi 27 juin 2023

Ma lecture des Grands Singes, de Will Self

Je viens de terminer la lecture des Grands Singes, de Will Self. C’est l’histoire de Simon Dykes, un chimpanzé qui se prend pour un humain. Un artiste de renom, par ailleurs. La première partie est extrêmement déroutante : racontée du point de vue de Simon Dykes, on le suit dan les préparatifs de sa prochaine exposition, dans son histoire d’amour avec Sarah, et surtout lors d’une sortie au Sealink, un bar branché londonien où Simon et ses amis boivent et se droguent. Quoi d’étonnant, me direz-vous ? C’est que tout est raconté comme si les personnages étaient vraiment des humains, comme si le monde entier était peuplé d’humains civilisés et que cela était parfaitement normal, parfaitement dans l’ordre des choses. Ce n’est qu’au bout d’une trentaine de pages, après une nuit d’amour avec sa compagne Sarah – laquelle jusque-là avait toujours été présentée comme une humaine –, qu’à son réveil Simon la voit enfin sous sa forme chimpaine, mais sans pour autant sortir de son délire : il se prend toujours pour un humain, il a des souvenirs de sa vie antérieure sous une forme humaine, il se meut (ou plutôt tente de se mouvoir) comme un humain, il ne comprend plus ce qu’on lui signifie, etc. Le roman est l’histoire du parcours de Simon en quête de sa propre chimpanité, aidé par le docteur Busner. La plongée dans les méandres du délire parfaitement organisé de Simon Dykes amène très finement le lecteur à questionner sa propre chimpanité (davantage encore que dans la Planète des hommes, le roman de Pierre Boulle, auquel il est parfois fait indirectement allusion, par l’intermédiaire de la série de films que ce roman a inspirés). C’est d’ailleurs sous cet angle que je comprends le titre un peu mystérieux choisi par Will Self, les Grands Singes (Great Apes en version originale), lequel sans doute renvoie aussi bien aux hommes qu’aux chimpanzés. Après tout, les hommes ne sont-ils pas nos plus proches parents ?


PS : Coïncidence, qui n’en est pas vraiment une. Je partage avec Will Self un intérêt certain pour l’espèce humaine, et c’est sans doute ce qui nous a tous deux amenés à préfacer un étrange et fascinant roman où les singes n’existent pas et où l’on voit les hommes dans un état, certes encore marqués par la sauvagerie, mais sur le chemin d’en sortir : j’ai nommé Enig Marcheur, de Russell Hoban, chez Monsieur Toussaint Louverture (la préface de Will Self est dans l’édition grand format, la mienne dans l’édition de poche).



lundi 26 juin 2023

94 singes rouges

C’est aujourd’hui l’anniversaire de l’héroïne des Singes rouges, un âge qui s’ajoute à tous ceux qu’elle a déjà eus, et qu’elle a dans le livre : la jeune fille de Martinique, la petite fille de Guyane.

Ma mère est une héroïne que je peux serrer dans mes bras.



jeudi 22 juin 2023

court toujours (160)

– Peut-on rire de tout ?

Bien sûr que non : la vie entière n’y suffirait pas.




mercredi 21 juin 2023

mardi 20 juin 2023

court toujours (158)

Parfois, tu te tournes vers la fenêtre pour te distraire en regardant le paysage, et sur la vitre c’est ton reflet que tu vois.




lundi 19 juin 2023

Une visite à notre si chère vieille dame auteur

Je crois bien que je risque d’aimer tous les livres d’Anne Serre – et que peut-être je ne saurai jamais bien dire pourquoi. Je n’en ai lu que trois : Petite table, sois mise ! (Verdier 2012), Grande Tiqueté (Champ Vallon 2020) et je viens de terminer Notre si chère vieille dame auteur (Mercure de France, 2022). J’y voyage de mystère en mystère mais en bonne compagnie. Les personnages m’y parlent – à moi qui souvent ne les aime pas tellement. Dans Notre si chère vieille dame auteur ils se tiennent comme à des barreaux différents de la même échelle : ils ne marchent pas tous exactement sur le même sol. Peut-être avez-vous l’impression de ne pas bien comprendre ce que j’essaie de vous dire : tant mieux, c’est sans doute que vous avez senti quelque chose d’un peu mystérieux et de terriblement séduisant. Vous avez le droit d’y rajouter un peu de tendresse aussi, et quelque chose comme l’épaisseur du temps, lequel ne nous empêche pas de voir un peu à travers lui.



dimanche 18 juin 2023

court toujours (157)

Politiquement parlant, l’anniversaire de la pelle du 18 juin m’a plutôt l’air d’une bonne pioche.




samedi 17 juin 2023

C’est bien moi.

Un commentaire sur l’un de mes récents billets m’enjoignant à nommer le dessinateur, en voici deux autres du même. Mais oui, c’est bien moi (cliquez sur le tag « Hublot graphique » si ça vous dit).






vendredi 16 juin 2023

Pierre Bayard, le docteur Strange de la critique littéraire

« On n’arrête pas d’encenser les chefs-d’œuvre, sans prendre la mesure des dégâts qu’ils provoquent. »

Tel est l’incipit un peu provoc de Et si les Beatles n’étaient pas nés ?, le dernier-né de Pierre Bayard, paru l’an dernier aux éditions de Minuit.

Parmi les tags que vous n’avez peut-être pas remarqués mais qui accompagnent la plupart de mes billets, il en est un que j’affectionne (même si je le sers assez mal, par la rareté des billets le concernant et par la pertinence relative de ceux-ci) simplement parce qu’il a le mérite d’exister – et donc de questionner la motivation de son existence : c’est « représentation de la littérature ». On en parle vraiment trop peu, je trouve. On parle – parfois – de littérature, mais guère de sa représentation. Bayard ne parle que de ça, et ça rend sa lecture à peu près indispensable à qui s’intéresse tant soit peu à la littérature, puisqu’il n’y a guère qu’à travers le prisme de sa représentation qu’on y a accès.

« La notion d’éclipse, qui est au centre de cet essai, ne renvoie pas seulement à celles d’ombre ou de clandestinité. Elle suggère aussi, dans le champ esthétique, l’idée qu’une œuvre, par son excès de présence, en occulte d’autres, parfois au point de les faire disparaître, en particulier par le type de sensibilité qu’elle promeut et présente comme naturelle pour une époque donnée. »

Et en Docteur Strange de la critique littéraire, Bayard convoque une petite collection d’univers parallèles sans Kafka, sans Proust, sans Louise Labbé, sans Shakespeare, sans les Beatles… pour vous donner une idée du vilain désordre dans lequel j’ai lu ce livre, dont l’un des mérites est de nous expliquer pourquoi la visibilité est mauvaise, comme le disent ces Hublots depuis une quinzaine d’années, dont un autre est de multiplier l’envie de lire (me concernant, notamment Ben Jonson, qui patiente depuis trop de siècles dans ma bibliothèque), et dont un autre encore de pousser à continuer soi-même l’expérience : il existe tant de mondes sans.



mercredi 14 juin 2023

court toujours (156)

Ça ne me gênerait pas que vous ne soyez pas d’accord avec moi si je ne savais pas que j’ai raison.




mardi 13 juin 2023

toc chaud

C’était samedi. L'œil poché par le rhume des foins, je n'en réponds pas moins aux questions de Jean-Pierre Morvan, à propos de ma pratique de l'écriture. (Oui, c'est un peu long ; mais je dis quand même deux ou trois choses.)





samedi 10 juin 2023

Que fais-je dans mes Nouvelles notes sur les noms de la nature ?

Que fais-je dans mes Nouvelles notes sur les noms de la nature ? À peu près la même chose que dans le précédent volume (les deux peuvent néanmoins se lire indépendamment l’un de l’autre ; ce n’est pas une « suite ») : j’exploite mes connaissance en matière de zoologie, de botanique, de mycologie ; je fais donc mine de parler d’animaux, de plantes, de champignons – et en effet j’en parle vraiment, et tout ce que je dis est vérifiable – j’en parle et ne fais que mine d’en parler, car c’est en réalité pour traiter le seul sujet qui vaille à mes yeux en littérature, en poésie (car c’est là que je situe ce travail) : le rapport de l’homme, en tant que sujet parlant, au monde qui l’entoure, autrement dit : le langage. C’est à travers lui, avec ses mots d’occasion, que nous essayons de dire ce qui est. Dire ce qui est est en effet essentiel :


« Le nom donne à voir

ce qui nous échappait.

Depuis que je sais le nom

de l’accenteur mouchet

il y en a plein mon jardin. »


écrivais-je dans mes premières Notes. N’empêche : le langage est défaillant. Parfois, il raconte même n’importe quoi :


« Comme elle est originaire d’Amérique,

les Français la disent d’Inde

et les Anglais Turquie. »


(C’est dans mes Nouvelles notes – et son portrait par Florence Lelièvre est juste en dessous.) Or c’est là, ce me semble, dans cet écart entre ce que sont les choses – et notamment les organismes vivants dont nous sommes – et l’image mentale qu’en donnent les mots dont nous nous servons pour les désigner que se joue une possible poésie.




vendredi 9 juin 2023

Comptons les singes (rouges)

Donc, si j'en crois ce site, dans Les Singes rouges, j'emploierais 675 fois "elle", 65 fois "Martinique", 48 fois "Guyane" et "souvient", 40 fois "fille", 38 fois "petite" et 65 fois "fois".



jeudi 8 juin 2023

court toujours (155)

Le sens de notre vie ne saurait clairement se dissocier du sens de notre mort : nourrir d’autres organismes vivants qui en nourriront d’autres encore à leur mort, dans une sorte d’universelle et perpétuelle eucharistie.




mercredi 7 juin 2023

Avec mon stylo (11)



Avec mon stylo, 11e épisode : "Vous me verriez, là, vous seriez incapable de vous rendre compte qu’en réalité, là, au moment même où je vous parle, j’ai mon stylo."


Dernier épisode de la 1ère saison, comme on dit pour les séries. Retour après l'été.


Tous les épisodes (et sur Youtube)

lundi 5 juin 2023

court toujours (153)

Le matin, on ne devrait pas mettre de chaussettes propres. Comment espérer y retrouver le moral, oublié dans une autre paire, disparu dans la machine ?




jeudi 1 juin 2023

Sauvons Naulleau !

Une fois n’est pas coutume, je suis tombé sur une couverture de journal où le mot « littérature » est écrit en gros caractères. Mieux encore : « Sauvons la littérature ! », oui, comme ça, avec un point d’exclamation. Sauver la littérature, je ne suis pas contre. Je suis même franchement pour. Il y a un gars en photo, qui nous pointe des deux doigts, pour qu’on se sente bien concerné. Le message est peut-être un peu lourdement véhiculé mais soit, c’est bien vrai que tout le monde est concerné, à commencer par les gens qui ne lisent pas de littérature. Ça tombe bien : cette couverture est celle de Valeurs actuelles ; il y a certainement, parmi les abonnés à cet organe que, pour de confuses raisons, je préfère appeler « Vapeurs d’écuelles », des brebis égarés que le berger en couverture va tenter de ramener (ou plus vraisemblablement d’amener) à la littérature. Je connais ce visage, d’ailleurs, c’est celui d’Eric Naulleau, qui fonda jadis une belle petite maison d’édition, l’Esprit des Péninsules, hélas disparue (même si elle doit encore figurer dans le nuage éditorial de ce blog, plus bas à droite). Ce gars-là aime vraiment la littérature. J’ai cru comprendre que depuis la fermeture de sa maison d’édition, il hantait des plateaux de télé plus ou moins recommandables ; c’est un peu étrange mais bon, à chacun ses bars louches et ses désespoirs. Bref. Lisons le sous-titre : « Eric Naulleau, un hussard face au "wokisme" Notre enquête sur la dérive qui menace l’art et la culture en France ». Le wokisme, donc. J’ai une vague idée de ce qu’on recouvre sous ce terme ; on l’entend tellement souvent. Et moi qui croyais qu’on aller parler littérature. De comment faire pour que les Kafka, les Faulkner, les Beckett d’aujourd’hui (qui n’ont évidemment rien à voir avec Kafka, Faulkner ou Beckett) puissent être publiés correctement (ou même publiés tout court). Comment faire pour que des éditeurs puissent se consacrer à la publication de littérature, comment dire, la littérature que j’aime, quoi, puissent faire leur travail sans perdre de l’argent (voire : en en gagnant). Et là, vlan, un dossier sur le wokisme, ce prétexte à fantasmes, un sujet à faire du buzz avec des vieux titres d’Agatha Christie. Le fait est que de Valeurs actuelles, on ne peut guère espérer autre chose. D’Eric Naulleau, si. On devrait tous lui envoyer notre photo avec nos deux index pointés sur lui.