(C’est moi qui prend en notes. Les pronoms de la deuxième personne renvoient à mon père.)
En septembre 1939, après avoir mis Tit Mé (la mère de Léon et la grand-mère maternelle de mon père) aux Incurables et vous avoir fait son annonce (« Il n’y a plus d’argent de Père. Débrouillez-vous. »), Tonton Léon (l’oncle de mon père, frère de sa mère) à dû se mettre à travailler régulièrement, ce qu’il n’avait encore jamais fait. Il avait quarante-cinq ans.
Auparavant, il avait été comédien au Grand Guignol. C’était un petit théâtre où le spectacle se composait de deux pièces courtes : une pièce d’épouvante suivie d’une pièce comique. Tonton Léon jouait dans les deux, souvent les rôles de méchant.
Il était aussi propriétaire d’un « garage » que Madatine (déformation enfantine de « Maman Léontine »), sa grand-mère, lui avait payé. Ça servait juste à garer des voitures. Ça rapportait un peu.
Il a aussi possédé des machines à sous dans les cafés, et son travail consistait à aller récolter l’argent. Ensuite, ça a été interdit par la loi.
Heureusement pour lui, il avait toujours été passionné de radio et d’enregistrement du son. (Les voix de toute la famille avaient été enregistrées, y compris la tienne à l’âge de sept ans.) C’est ce qui lui a permis d’entrer comme ingénieur du son dans deux « postes » privés (on ne disait pas « stations ») : Radio Cité puis Radio 37 (fondé en 1937). En 40, au moment de l’invasion allemande, il était devenu responsable de Radio 37. Il est resté le dernier et a complètement démoli tout le matériel au dernier moment, de sorte que les Allemands n’ont pas pu le remettre en fonction.
En fait, Tonton Léon vous a littéralement abandonnés : vous êtes restés très longtemps sans entendre parler de lui, de septembre 39 à juin 40.