« Blancheneige, qui
avait grand-faim et grand-soif, mangea un peu de légumes et de pain
dans chaque petite assiette et but une goutte de vin dans chaque
petit gobelet, car elle ne voulait pas tout prendre au même.
Ensuite, elle était tellement lasse qu'elle se coucha dans un petit
lit, mais aucun ne lui allait, l'un était trop long, l'autre trop
court, enfin le septième fut à sa taille : elle y resta, se
recommanda à Dieu et s'endormit. »
- Monsieur, ça ressemble
drôlement à Boucle d'or !
- Oui, c'est vrai.
Penses-tu qu'une telle ressemblance puisse être le fruit du hasard ?
- Il y a sûrement un des
deux contes qui a copié sur l'autre. Mais lequel ?
- On ne peut pas
savoir...
« On ne peut pas
savoir » a longtemps été la réponse que je faisais à mes
petits élèves de 6e. Et puis une fois, tout en répondant « on
ne peut pas savoir », je me suis rendu compte de ma bêtise.
Bien sûr que si, on peut savoir. Comment le lit d'un des sept nains
pourrait-il être trop long pour Blancheneige ? Et regardez la
dernière phrase : 7 = 3 ! : « l'un
était trop long, l'autre trop court » et hop on arrive au
septième ? Non : au troisième. L'espace de ces quelques
lignes, Blancheneige n'est plus dans la maison des sept nains :
elle a franchi la frontière poreuse du conte et la voilà qui dort
chez les trois ours. Autrement dit, il y a dans la version de
Blancheneige rapportée par les frères Grimm une
interpolation empruntée à Boucle d'or et les trois ours. A
un moment donné, les histoires se ressemblent – une jeune fille
perdue qui trouve refuge dans une maison vide – et la ressemblance
a ouvert ce portail magique discret qui nous fait passer d'un conte à
l'autre.
Tiens, en cherchant
rapidement sur Internet si quelqu'un d'autre l'a déjà formulé (je
suis bien certain que oui même si je n'ai rien trouvé) je tombe sur
un livre jeunesse de Véronique Cauchy intitulé Boucle d'or et
les sept nains dont l'argument (vous chercherez sur le Net) et le
titre confirment que, au moins par l'intuition, je ne suis pas le
premier à passer par là.
(Ce petit billet en
réponse à l'ami Pierre avec qui nous échangions deux mots à
propos des pantoufles de verre – et non de vair – de Cendrillon,
évoquées dans Elise et Lise.)