Je ne parlerai pas
tellement de la rentrée littéraire qu'on pourrait aussi bien
appeler hareng très téméraire tant ce concept est saugrenu. Il
n'empêche qu'il y paraîtra, qu'il y paraît, qu'il y est déjà
paru des livres que je lirai, ou que je lirais bien, ou que je
regretterai de n'avoir pas lu mais il ne sera jamais trop tard –
sauf un jour peut-être parce qu'il paraît que tout a une fin.
Précisément. A ce sujet ou justement non il y en a un qui
s'intitule Le livre que je ne voulais pas écrire et à propos
duquel je vais faire mon Pierre Bayard en attendant de le lire. Il
faut dire que pour moi c'est un peu le livre que je n'aurais pas
voulu lire, et que sûrement je lirai quand même (même si peut-être
pas tout de suite, ou peut-être que si, tout de suite ; on
verra). Je n'aurais pas voulu le lire – comme son auteur, Erwan
Larher, n'aurait pas voulu l'écrire. Mais s'il l'a écrit, s'il a pu
l'écrire et s'il a senti qu'il pouvait et qu'il devait l'écrire, si
le livre s'est imposé à lui comme je crois qu'il s'est imposé,
alors je le lirai. Je vais sûrement pleurer un peu – je ne vais
pas tout dire pourquoi mais j'en ai dit déjà un peu ici, vous pouvez cliquer – mais connaissant Erwan je vais sûrement rire
aussi. Et penser. Panser, peut-être. Connaissant Erwan depuis son tout premier, Qu'avez-vous
fait de moi ?, je sais aussi qu'il ne fera pas de la
littérature une simple matière à sujet. Il s'est trouvé qu'il a
rejoint Quidam, mon éditeur. Il s'est trouvé que comme tant
d'autres personnes il est allé à un concert le 13 novembre. Il s'est
trouvé que quand il était à l'hôpital je n'ai pas tellement pensé
à lui tout simplement parce que je pensais à quelqu'un d'autre qui
y était aussi (pas le même hôpital mais le même concert oui), je
lui fais la bise pour ça aussi. Alors du coup ça mérite bien tous
mes vœux à son livre, avant même que je ne le lise.
jeudi 31 août 2017
lundi 28 août 2017
conseils d'écriture
La recherche de
l'incompréhension est un procédé réaliste. Il ne faut toutefois
pas en abuser. Mais c'est un procédé réaliste. A manipuler avec
modération, mais réaliste.
La répétition aussi est
un procédé réaliste. De celui-là non plus il ne faut pas abuser.
Mais il est réaliste. Très très réaliste. Réaliste. La
répétition.
On peut utiliser la
répétition pour favoriser l'incompréhension. C'est très réaliste.
Peut-être que c'est encore plus réaliste. Mais il ne faut pas en
abuser. Il ne faut pas.
samedi 26 août 2017
nouvelle
Une fois, nous avons
trouvé un restaurant, dans un quartier où nous n'allons pas très
souvent. Nous avons pris le même plat, à base de viande de mouton
et de petits pois. Il y avait sûrement d'autres choses dedans. Nous
nous sommes régalés. Du coup, par la suite, lorsque nous repassions
dans ce quartier, nous retournions dans ce restaurant, et nous
prenions le même plat. Comme c'était un quartier où nous n'allions
pas souvent, nous ne sommes retournés que deux ou trois fois dans ce
restaurant, peut-être même moins. Mais à chaque fois, nous nous
régalions. Et puis une fois, nous sommes retournés dans ce quartier
et dans ce restaurant, et nous avons pris le même plat. Mais nous ne
sommes pas régalés. Le plat paraissait tout à fait quelconque, et
même légèrement écœurant. Pourtant il était identique à l’œil,
et aucun des ingrédients ne paraissait avarié. Pourtant nous
n'avions pas eu l'occasion de nous en lasser, à y goûter une ou
deux fois par an. Mais quelque chose avait changé. C'était
peut-être lui. C'était peut-être nous. On ne peut pas savoir. Nous
nous sommes posé la question. C'était une question intéressante.
Nous ne sommes pas retournés dans ce restaurant, alors nous n'avons
pas su la réponse.
vendredi 25 août 2017
Style de Philippe
"Philippe peine à trouver son style", clame-t-on sur tous les médias - alors que je ne fais rien d'autre que tenter de lui échapper.
jeudi 24 août 2017
La fin du Monde est remise à une date ultérieure.
Tout à l'heure je suis
tombé sur un article dans un hebdomadaire culturel. Le sujet
m'intéressait, alors j'ai lu l'article avec intérêt. Quand j'ai
terminé ma lecture, j'ai compris que c'était une critique
littéraire : il y avait un titre, un nom d'auteur et un nom
d'éditeur. Il y a quand même un problème. (Pour être clair – je
n'aime pas être clair, mais c'est parfois utile – l'article ne
parlait pas du livre, mais de son sujet.)
Dans le même ordre
d'idée, j'avoue que quand j'ai lu qu'Eric Chevillard arrêtait sa
chronique au Monde, celui-ci a failli s'écrouler. Mais voici que
j'apprends l'arrivée dans ce même Monde de Claro et de
Céline Minard. La fin du Monde est donc remise à une date
ultérieure, comme dirait Tintin (dans l'Etoile mystérieuse),
on va quand même pouvoir rentrer.
vendredi 18 août 2017
en attendant la fin de l'été-machine
La rentrée littéraire,
c'est sûrement l'occasion de parler de l'Eté-machine de John
Crowley, ce roman paru en 1979 et traduit par Rémi Oliska, repris en
2006 par les Moutons électriques et qu'on peut lire aujourd'hui dans
la collection Points. C'est un roman post-apocalyptique et
merveilleux, qu'on lit comme une formule magique. On y suit Roseau
Qui Parle, ce jeune parleur véridique qui veut retrouver les choses
perdues après la grande tempête provoquée par les anges, les
hommes d'autrefois qui volaient dans d'étranges machines. On n'est
jamais sûr de tout comprendre tant l'univers qu'on découvre avec le
narrateur nous est étranger – étranger mais pas nécessairement
hostile comme le veut une certaine tradition du récit apocalyptique.
Il y a au contraire chez tous les personnages, si différents
soient-ils, une sorte de bienveillance qui interroge. Roseau Qui
Parle est le narrateur, animé à la fois par un amour perdu puis
retrouvé puis perdu de nouveau et par une quête qui dépasse et
même met en jeu sa simple personne. Le destinataire n'est pas le
lecteur mais un ange (au sens que ce mot a dans le roman) ;
narrateur et destinataire n'appartenant pas au même monde ont de
séculaires raisons de ne se comprendre que par bribes, et c'est
aussi la situation dans laquelle se retrouve le lecteur. Du coup, la
lecture est très contemplative, et en effet c'est beau. Tiens,
j'ouvre le livre au hasard :
« C'est en tout cas
par un jour rempli d'odeurs et de petites choses pâles qui
éclataient partout dans la forêt qu'avril fit son entrée. Et bien
qu'il ait déjà plu à d'autres reprises, la Liste attendit ce
jour-là pour sortir ses parapluies.
Je les regardai, de
l'autre côté du Mur-Passage, déambuler avec leurs parapluies
ouverts, sur la grande place de pierre. Il y en avait avec des pois,
d'autres avec ou sans baleines ; certains étaient mal ouverts,
d'autres carrément à l'envers. Capuchon était parmi eux, avec un
parapluie plus large que tous les autres et une poignée étrangement
sculptée. Il me sourit comme s'il pouvait me voir aussi bien que je
les voyais. »
Et merci à Hugues Robert de la librairie Charybde de m'avoir mis ce livre entre les mains.
lundi 14 août 2017
tentative de désécriture d'un sonnet commis dans les années 80 du siècle dernier
Nue la nue
Nue
allongée au loin
qui dores
qui dors
et t’étires
Au soleil
au soleil
déclinant
déclinant
tes vaporeux appas
Tu
t’éloignes
encor
des lieux
des lieux
que tu trompas
De ton ombre
diffuse
ton ombre
diffuse
ton ombre
diffuse et féconde
et féconde
en délires
Seul
dorénavant
moi
sur le sol
trop fangeux
Seul
dorénavant moi sur le sol
trop fangeux
trop fangeux
parmi tous les mortels
Parmi tous
les mortels abandonnés
du rêve
J’ai connu
le plaisir
j'ai connu
le plaisir
J'ai connu
le plaisir de la vie qui s’élève
le plaisir
de la vie qui s'élève
Au-delà
Au-delà des
sommets éthérés
et neigeux
J’ai nagé
et neigeux
j'ai nagé
dans les
cieux de ton évanescence
J'ai nagé
dans les cieux
Bien plus
haut que ces dieux
tristes
ces dieux
tristes dont la naissance
Est marquée
par
le poids
le poids de
la réalité
Et si
tendant les
bras aux cimes
aux cimes
désirables
aux cimes
des érables
roué
Mon être
à naître
Mon être
n’atteint
plus
les joies
impondérables
Mes désirs
mes désirs
à buste d'hommes
mes désirs
à corps
chevalins
Mes désirs
débridés
cavalent
galopent fuient
fuient
loin de la
cité
samedi 12 août 2017
Je ne sais pas pourquoi je me souviens.
On lit, et après on
oublie. Quand on lit beaucoup, c'est pire. Quand on vieillit aussi,
c'est pire. Pour m'assurer un souvenir suffisant (et encore), il faut
que je lise le livre trois fois. Deux, c'est insuffisant. La vie est
insuffisante, autant dire. Les livres dont on se souvient le mieux,
souvent, sont ceux qu'on a lus dans notre jeunesse. Parfois on s'en
souvient bien alors même qu'on a oublié le titre et le nom de
l'auteur. Toutefois, parmi ceux-là, il y en a dont je me souviens
beaucoup mieux que d'autres. Ça veut peut-être dire qu'ils étaient
meilleurs que d'autres. (Pour moi, hein, oui, pour moi ; mais ne
chipotons pas.) Ou alors, peut-être que je les ai lus trois fois et
que c'est pour ça que je m'en souviens mieux. Mais si je les ai lus
trois fois, ce qui est possible après tout, ça veut peut-être dire
qu'ils étaient meilleurs que d'autres. De ma période
science-fiction, entre dix et quatorze ans environ, je me rends
compte que je me souviens beaucoup mieux du Monde vert et de
Croisière sans escale de Brian W. Aldiss que des trois
premiers Fondation d'Asimov et de la plupart des Van Vogt.
Bon, ça ne veut peut-être rien dire, sauf que je devrais peut-être
les racheter, tiens, ces deux-là.
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